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Amaury Jacquet

Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

« Café Müller » possédé par Pina Bausch

Des panneaux vitrés d’une porte-tambour tournent. Une femme, poussée dans la pénombre de la scène par le tourniquet, se faufile entre les chaises vides pour disparaître à nouveau côté cour. C’est le début de « Café Müller », une pièce de Pina Bausch et chef-d’œuvre fondateur de sa singulière danse-théâtre. Evoluant dans un espace encombré de chaises et de tables vides, six hommes et femmes se poursuivent et s’étreignent sans fin avec violence ou passion. Ils veulent s'apprivoiser, se conquérir, laisser parler leur désir, mais en vain : la solitude l'emporte. Les corps en mouvements sont hésitants, se font violence, se heurtent entre eux ou contre les murs, se cherchent, se collent et se repoussent.

« Mémoire de fille » : trois voix pour le dire

Depuis 35 ans, Annie Ernaux, lauréate du prix Nobel de littérature en 2022, se raconte, elle, son père, sa mère, ses amants, ses années. Dans « Mémoire de fille », publié aux Éditions Gallimard, Annie Ernaux explore en profondeur les dédales de la mémoire. L’écrivaine part à la recherche de l’été 58 et des deux années qui ont suivies. Elle a dix-huit ans. Le texte puissant fait alterner le "je" désignant la Annie Ernaux d'aujourd'hui à un impersonnel "elle" qui désigne la jeune femme qu'elle fut.

« Angels in America » ou les triangles amoureux d’Arnaud Desplechin, diffusé sur France 4

Cette pièce monstre est un flash-back sur les années 80 qui dresse un portrait à la fois baroque, fantasmagorique et profondément humain d’une époque, secouée par les années Reagan. Une présidence particulièrement réactionnaire marquée par l’incarnation du libéralisme économique et de la morale conservatrice. Mais aussi par l’arrivée dévastatrice du Sida où la pandémie se répand et décime les homosexuels.

La danse intranquille de Johan Inger et indomptée de Nadav Zelner à la Villette/Chaillot

Le Nederlands Dans Theater (NDT), basé à la Haye, est l’une des principales compagnies de danse contemporaine au monde qui a imposé sa marque par des productions non conformistes et originales. Elle est de passage à Paris avec sa branche la plus jeune, le NDT2, composée de dix-huit danseurs âgés de 18 à 22 ans, qui s’inscrit par le programme présenté ce soir, dans cette exploration de nouvelles écritures chorégraphiques et un répertoire avant-gardiste. Olé ! Deux pièces d’une vingtaine de minutes chacune sont présentées et qui sortent des sentiers battus. La première signée du Suédois Johan Inger (Out of Breath ) déploie une écriture impulsive et éloquente de haut vol, tandis que la seconde du chorégraphe israélien Nadav Zelner (Bedtime story) nous plonge dans une effervescence aussi vitale que théâtrale !

La Double Inconstance sous le regard acéré de Galin Stoev, sur France 4

Le théâtre de Marivaux est tout un art, l’art même du théâtre, où il est d’usage d’orchestrer des stratégies amoureuses avec sa part de faux-semblants. Si le cœur est une forteresse, alors il faut déployer des trésors d’ingéniosité pour parvenir à ses fins. Il y a dans ce goût du calcul et de la manipulation, une certaine dose de mystification. Mais ce n’est qu’une étape nécessaire pour obtenir, à la fin, le cœur de celui (ou celle) qu’on convoite ardemment. Galin Stoev éclaire d’une dimension nouvelle et cruelle la manipulation des âmes innocentes. La fluctuation des inclinaisons amoureuses et l’ambiguïté des rapports de force y sont passés au scalpel. Et ce classique de Marivaux détonne par sa sensualité et sa modernité.

« La Collection » : un quatuor d’acteurs de choc pour Pinter

Harold Pinter (1930 – 2008), prix Nobel de littérature en 2005, participe au renouveau théâtral britannique dans les années 1950. Le malaise et la cruauté qui se dégagent de ses premières œuvres, qualifiées de “théâtre de la menace” , évoluent vers l’exploration de l’intimité puis, à partir des années 1980, vers le politique. La Collection», écrite en 1961, dépeint avec férocité les rapports ambigus entre trois hommes et une femme. La pièce orchestre, sous le venin du mensonge et des rapports de domination, le trouble des passions humaines.

« Room », le boomerang galvanisant de James Thierrée

Dans un lieu hors du temps, James Thierrée en homme-orchestre d’une troupe sortie de nulle part nous invite au lâcher prise. Une traversée crépusculaire où la quête de sens s’incarne dans un imparable contre sens sensoriel, musical et visuel. Un boomerang de disciplines artistiques est orchestré sur scène, où jeux surréalistes, chant, danse, mime, acrobatie et musique s’entrechoquent et se saisissent des corps, des objets, du langage, dont James Thierrée se fait le vecteur et le fil conducteur.

Notre Sélection

« I will survive » : rire nerveux et malaise garanti

Avec I Will Survive, Les Chiens de Navarre rappellent une vérité simple : quand la réalité devient trop absurde pour être racontée, il ne reste plus qu’à l’exagérer pour qu’elle redevienne audible. Jean-Christophe Meurisse l’a bien compris : l’outrance n’est pas une facilité, mais un outil — une loupe déformante pour mieux scruter les recoins les plus gênants de la société française. Et c’est justement parce qu’il observe si finement qu’il grossit si fort.

Une École de danse d’une troublante modernité à la Comédie-Française

Il arrive que le théâtre ressuscite des œuvres qu’on croyait promises à l’oubli. Avec "L’École de danse", Clément Hervieu-Léger réalise précisément cela : redonner souffle à une comédie que Goldoni retira de l’affiche après deux malheureuses représentations. Un naufrage originel, devenu aujourd’hui matière à renaissance.