Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
Comme pour chaque fin d’année et sa rétrospective, nous nous sommes livrés au classement traditionnel des 10 meilleures pièces de théâtre de l’année 2021. Le classement retenu s’attache à des écritures théâtrales nouvelles, singulières, audacieuses, revisitées ou plus intimes, portées par une qualité de jeu toujours extrême, pour un théâtre qui parle forcément de nous pour mieux parler des autres et donc du monde.
Les trois acteurs sont là, quelque part, dans la salle. Ils attendent un public qui, peut-être ne viendra pas. C’est l’histoire d’un énième recommencement, de trois personnes qui se livrent et tentent, une fois encore, de suspendre à jamais l’instant de la représentation, où tout devient encore possible. Et de là peut surgir la parole, son silence aussi ; la possibilité de dire comme de ne plus dire et que cela soit entendu.
Les Chiens de Navarre ont l’habitude de mordre là où ça fait mal. Cette fois, ils s’en prennent à la famille avec pour cette nouvelle création, un titre sonnant comme un avertissement : "Tout le monde ne peut pas être orphelin", qui en dit long sur l’esprit ravageur qui va déferler à tombeau ouvert sur les affres de la vie de la si jolie petite famille ! Un jeu de massacre à la hauteur du carnage annoncé où le public installé en face à face, dans une scénographie bi-frontale, assiste, médusé, à l’étrillage qui est l’œuvre.
Six personnages en quête d'auteur, le drame surréel de Pirandello
Elle a l’air bien étrange cette famille recomposée tout habillée de noir, débarquée de nulle...
On s’attendait à un grand moment de théâtre. Le Roi Lear, la pièce monstre de Shakespeare et la plus emblématique de son répertoire où la tragédie politique se dispute aux rivalités familiales exacerbées et aux enjeux de pouvoir. D’une puissance inouïe, elle nous entraîne, d’une voix incarnée par chacun des mots, au plus profond de l’âme humaine et de ses errements.
Encore faudrait-il que la mise en scène signée Georges Lavaudant soit délestée d’un académisme faussement ingénu et d’une déclamation qui impriment un artifice entre le texte et le public, s'opposant à toute identification et à une réactualisation de l’œuvre. Quant au rôle titre, confié ici à Jacques Weber, on regrettera un excès de cabotinage et un jeu poussif au démarrage qui manquait cruellement de justesse.
Après Peter Pan, l’enfant qui ne voulait pas grandir, c’est le sort du petit d’homme Mowgli imaginé par Rudyard Kipling qui prend corps sur scène dans le temps, l’espace et le vocabulaire si singuliers qui font aujourd’hui la signature Wilson.
La metteure en scène ne recrée pas l’œuvre cinématographique sur les planches, mais utilise la mécanique théâtrale et son univers, mêlant le réel et la fiction, le visible et l’invisible
Depuis plus de vingt ans, Joël Pommerat qui se revendique "écrivain de plateau", écrit et met en scène. Reconnaissables dès les premières secondes pour l’univers poétique dont elles sont tissées, mêlant intimement le clair-obscur de l’imaginaire (l’inconscient) à la réalité mais aussi les rapports entre individus, les histoires scéniques de Pommerat s’apparentent à des comtes moraux et immoraux. Où comment le bien et le mal se masquent, se mélangent l’un derrière l’autre, l’un avec l’autre. "La Réunification des deux Corées" a été créée en 2013 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. La pièce revient pour une "recréation", notamment en passant d'un dispositif bi-frontal (2 gradins se faisant face) à un rapport frontal avec le public, faisant naître un nouveau rapport à l’espace, à l’écriture narrative, visuelle et sonore. En une suite de scène courtes, des hommes et des femmes se croisent, s’aiment ou se heurtent, se confrontant à une situation souvent ambiguë, cruelle, surréaliste, ou douloureuse, tout en rêvant d’une (im)possible réunification.