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Amaury Jacquet

Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

Le Lac des cygnes revu et corrigé par Angelin Preljocaj sur Mezzo Live : saisissant

Après Blanche Neige et Roméo et Juliette, Angelin Preljocaj renoue avec le ballet narratif et son goût pour les histoires. Mêlant le chef-d’œuvre musical de Tchaïkovski à des arrangements plus contemporains comme il aime à le faire, il s’empare du mythe de la femme-cygne, et y ajoute des problématiques à la fois écologiques, psychologiques et politiques très actuelles. ransposition du conte donc dans le monde de l’industrie, du pouvoir et de la finance où les amours contrariées se vivent au milieu des gratte-ciels et de ses artifices entre moments de fêtes et d’hystérie collective. La première scène donne le ton : la danseuse qui incarne Odette, Théa Martin, est attrapée par plusieurs hommes en noir, et transformée, manu militari, en cygne. Cette métamorphose forcée, sur la musique inquiète de Tchaïkovski, annonce la radicalité du final qui verra les cygnes, en un moment suspendu, tomber ensemble au sol et dont la chute au regard de l’écosystème sacrifié, prend une dimension tragique.

Le monde intranquille de Joël Pommerat dans « La Réunification des deux Corées »

Depuis plus de vingt ans, Joël Pommerat qui se revendique "écrivain de plateau", écrit et met en scène. Reconnaissables dès les premières secondes pour l’univers poétique dont elles sont tissées, mêlant intimement le clair-obscur de l’imaginaire (l’inconscient) à la réalité mais aussi les rapports entre individus, les histoires scéniques de Pommerat s’apparentent à des comtes moraux et immoraux. Où comment le bien et le mal se masquent, se mélangent l’un derrière l’autre, l’un avec l’autre. "La Réunification des deux Corées" a été créée en 2013 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. La pièce revient pour une "recréation", notamment en passant d'un dispositif bi-frontal (2 gradins se faisant face) à un rapport frontal avec le public, faisant naître un nouveau rapport à l’espace, à l’écriture narrative, visuelle et sonore. En une suite de scène courtes, des hommes et des femmes se croisent, s’aiment ou se heurtent, se confrontant à une situation souvent ambiguë, cruelle, surréaliste, ou douloureuse, tout en rêvant d’une (im)possible réunification.

Othello ou la passion selon Shakespeare ! sur France 4, le 28 avril à 21h00

Shakespeare analyse avec génie l’humain dans sa dimension intemporelle et universelle. Complexes, équivoques et ambigus, tout en clairs-obscurs et en contrastes, ses personnages de théaâtre et quel théâtre laissent deviner, dans le conflit entre raison et passion, monstruosité et angélisme, sublime et grotesque, toute l’ambivalence d’une humanité protéiforme. Après Le roi Lear qu’il avait monté au festival d’Avignon il y a 15 ans, Jean-François Sivadier revient à Shakespeare avec Othello et nous offre un grand moment de théâtre. La pièce emblématique du dramaturge anglais nous embarque dans les aventures d’un homme d’honneur, le Maure de Venise, qui après avoir offert sa confiance au plus fourbe des êtres, Iago, finira par sombrer dans la barbarie.

Maurice Béjart à l’Opéra Bastille, l’âme dansée sur France 4, le 23 avril à 21h10

Le Ballet de l’Opéra rend hommage à son ancien chorégraphe phare disparu il y a 15 ans, Maurice Béjart, en présentant trois œuvres créées dans les années 1970 : L’Oiseau de feu, Le Chant du compagnon errant et le mythique Boléro. Et cette grammaire chorégraphique toujours lisible et fluide qui consacre avec cette marque si particulière, l’expressivité du geste à l’exaltation de la musique, surfant sur les bases de la danse classique et académique tout en impulsant une modernité emprunte des courants néo-classiques et modernes. Elle est servie ce soir à la perfection par le corps de ballet emmené par les Etoiles Mathieu Ganio, Germain Louvet, Hugo Marchand, et Amandine Albisson où la danse dans une épure totale et graphique imprime des images fortes, des tableaux en mouvement, et une géométrie des corps.

« Jours de joie » : le geste enlevé de Stéphane Braunschweig aux Ateliers Berthier

Avec "Jours de joie", il interroge le glissement des relations familiales, conjugales, amoureuses, amicales, à travers des groupes de personnes qui, au demeurant, ne se connaissent pas et se trouvent réunis fortuitement. Dans cet opus, comme dans les autres, des gens font face aux difficultés de la vie. Mais la pièce explore ici la façon dont ils vont, les uns et les autres, pouvoir survivre à ces malheurs et les personnages sont ici plus normaux. Le théâtre ne naît plus de la folie, mais de la rencontre entre ces femmes et ces hommes, de l’humour et de l’étrangeté des liens qu’ils peuvent nouer. La mise en scène au cordeau de Stéphane Braunschweig restitue à merveille ce théâtre de mots et de jeu écrit comme une partition de musique, avec des reprises de thèmes qui instaure une rythmique où les thèmes circulent d’un personnage à l’autre, comme dans une pièce de Tchekhov.

Fanny Ardant : héroïne amoureuse et magnifique

Fanny Ardant : héroïne amoureuse et magnifique Fanny Ardant revient sur scène dans l’adaptation du roman fleuve de Laurence Plazenet, "La blessure et la soif", récit...

« L’Argent de la vieille » les rend tous fous !

"L'Argent de la vieille" les rend tous fous ! Après avoir interprété Joan Crawford dans une évocation de sa rivalité légendaire avec Bette Davis (Michel...

« James Brown mettait des bigoudis » : la tragédie drôle et piquante de Yasmina Reza  

Yasmina Reza n’a pas son pareil pour distiller les situations incongrues qui font tomber les masques, exploser les certitudes et exacerber les manques. Des personnages perdus, fragiles, désinvoltes, se débattent avec leur conditionnement social et ses travers, poussés dans leurs derniers retranchements ou chacun se confronte au masque de la comédie humaine, à sa solitude, à son vide existentiel mais aussi à sa rébellion sous-jacente et singulière qui les rendent tous attachants.

Notre Sélection

« Portrait de l’artiste après sa mort » : vertige de la mémoire sous la dictature argentine

Sur scène un acteur (Marcial Di Fonzo Bo) qui, dans un précipité aussi sensible que subtil, évoque un épisode de sa vie, à propos d’un appartement situé à Buenos Aires dont il aurait hérité, mais faisant l’objet d’une procédure judiciaire à la suite d’une possible confiscation intervenue pendant la dictature militaire. Le comédien a lui-même connu et vécu la dictature argentine avant de s’installer en France.