Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
Möbius dévoile un espace flottant, poétique, où le temps s’étire et se contracte au rythme des corps qui changent de forme.
Dix-neuf hommes et femmes s’y déplacent, jaillissent, voltigent comme s’ils ne formaient qu’un seul être, à la manière des nuées d’étourneaux, ces vols de centaines d’oiseaux si bien réglés et si denses qu’ils en éclipsent le soleil l’espace d’un instant.
Les Chiens de Navarre ont l’habitude de mordre là où ça fait mal. Cette fois, ils sont en roue libre et en totale improvisation où le public assiste une fois encore, médusé, à l’étrillage qui est l’œuvre. Jubilatoire !
C’est à la figure de Don Juan, complexe et intrigante, que s’attaque le chorégraphe suédois Johan Inger, en revisitant sur la musique de Marc Alvarez, le parcours de ce serial lover dont il explore ici l’influence de la mère et le duo en miroir mais aussi ambigu formé avec son valet Leporello, devenu Leo, qui fait place à une attraction réciproque.
Dans une pièce écrite pour le metteur en scène Arthur Nauzyciel, Pascal Rambert convoque les mythes du théâtre et l’origine de la tragédie sous forme d’un conte originel et décapant dont les protagonistes ramenés à leurs pulsions primaires sont aux prises avec leur désir castrateur et la représentation d’une femme qui refuse les codes imposés par ces hommes. Édifiant.
Depuis ses deux premiers romans "En finir avec Eddy Bellegueule" et "Histoire de la violence", Edouard Louis décrypte les mécanismes de domination qui broient les êtres et leurs relations. Thomas Ostermeier qui a déjà monté "Histoire de la violence" avec sa troupe d’acteurs de la Schaubühne à Berlin, poursuit sa collaboration avec Edouard Louis en le mettant en scène dans son propre rôle. Un monologue percutant.
Emmanuel Demarcy-Mota monte “Les Sorcières de Salem”, une pièce d’Arthur Miller qui raconte comment la manipulation et l’aveuglement collectif peuvent conduire une communauté à se déchirer dès lors que la raison cède à l’injustice et que les fausses croyances s’opposent à toute recherche de vérité
Dans cette pièce de Koltès, deux personnages s'affrontent autour d'un accord indicible, le désir. Les deux comédiens interprètent avec force ce texte fort aux accents métaphoriques. Dans la mise en scène de Charles Berling et son décor monumental, les mots fusent et résonnent au combat des deux protagonistes.
La pièce est une épopée capitaliste crue, traduite par Alena Sluneckova et montée par Martial di Fonzo Bo et Elise Vigier.
Son auteur le dramaturge et cinéaste tchèque au regard corrosif, Petr Zelenka y dresse le portrait sans concession d'une carriériste cynique qui va être broyée par le système après l’avoir propulsée au sommet. Et à travers elle, c'est la dénonciation d’une société tchèque qui est passée du communisme au libéralisme économique sans foi ni loi. Un rôle en or pour Karin Viard.
Depuis plus de vingt ans, Joël Pommerat qui se revendique "écrivain de plateau", écrit et met en scène. Reconnaissables dès les premières secondes pour l’univers poétique dont elles sont tissées, mêlant intimement le clair-obscur de l’imaginaire (l’inconscient) à la réalité mais aussi les rapports entre individus, les histoires scéniques de Pommerat s’apparentent à des comtes moraux et immoraux. Où comment le bien et le mal se masquent, se mélangent l’un derrière l’autre, l’un avec l’autre. "La Réunification des deux Corées" a été créée en 2013 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. La pièce revient pour une "recréation", notamment en passant d'un dispositif bi-frontal (2 gradins se faisant face) à un rapport frontal avec le public, faisant naître un nouveau rapport à l’espace, à l’écriture narrative, visuelle et sonore. En une suite de scène courtes, des hommes et des femmes se croisent, s’aiment ou se heurtent, se confrontant à une situation souvent ambiguë, cruelle, surréaliste, ou douloureuse, tout en rêvant d’une (im)possible réunification.