© Nicolas Joubard
Comme tous les ans, les 158 journalistes, membres de l’Association professionnelle de la critique théâtre-musique-danse (dont nous sommes), décernent après un vote collectif à deux tours leurs prix, distinguant les spectacles et les artistes qui ont marqué la saison écoulée.
Rendez-vous incontournable de la profession, il atteste d’une marque de reconnaissance qui, dans le paysage du spectacle vivant, est particulièrement appréciée des artistes récompensés où l’émotion témoignée ainsi que l’engagement total pour leur art sont à saluer.
Le palmarès 2014/2015, sous l’égide donc de l’Association présidée par Jacques Nerson, critique au Nouvel Observateur et au Masque et la Plume, a été révélé ce lundi 22 juin à la Philharmonie de Paris dont les lauréats rejoignent pour la plupart les grands coups de cœur de Publik’Art. Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la Musique et Président de la Philharmonie est élu personnalité musicale de l’année pour son investissement à travers ce lieu d’écoute exceptionnel et d’éducation à la démocratisation de la musique, promis à un bel avenir.
La saga « Henry VI », le spectacle-évènement de 18 heures du jeune metteur en scène Thomas Jolly déjà récompensé du Molière de la mise en scène, qui a électrisé le dernier festival d’Avignon avant d’être repris ce printemps à l’Odéon, a reçu le grand prix de la critique, saluant à la fois l’accomplissement et l’audace de cette grande aventure théâtrale dont le succès critique et public fut au rendez-vous. Manon Thorel, qui assurait avec beaucoup d’humour et d’espièglerie les intermèdes entre les parties ou les actes, se voit décerner le prix Jean-Jacques Lerrant attribué à la révélation théâtrale.
“Affabaluzione” de Pier Paolo Pasolini, monté par Stanislas Nordey au Théâtre de la Colline dont le parti pris de mise en scène ne nous pas convaincu, remporte le prix Georges-Lerminier du meilleur spectacle créé en région (au TNB, après Vidy-Lausanne).
Parmi les acteurs gratifiés de cette édition 2015, Emmanuelle Devos repart avec le prix de la meilleure comédienne pour son interprétation fascinante d’Anna Petrovan dans « Platonov » où son jeu est porté par cette fêlure romanesque si propre à la complexité et à l’humanité des personnages de Tchekhov. Très touchée par cette récompense, Emmanuelle Devos a tenu à remercier son coach et sa répétitrice tout en soulignant son bonheur absolu que de pouvoir jouer Tchekhov.
Micha Lescot (Ivanov) est reconnu meilleur comédien pour son grand « Ivanov » à la présence insondable et vertigineuse, mise en scène par Luc Bondy et donné à L’Odéon. Très heureux de cette distinction, le comédien, en dépit de son récent accident après une chute d’une verrière de plusieurs mètres lors d’une lecture dont il se considère comme un miraculé grâce à une petite table qu’il a d’ailleurs remerciée, honore donc de sa présence remarquée cette consécration émanant des professionnels.
Le prix du meilleur spectacle de théâtre privé revient à « The Servant » (mise en scène de Thierry Harcourt au Théâtre de Poche-Montparnasse). « Vanishing Point » de Marc Lainé, un « road movie » sur les routes du Canada, reçoit le prix de la meilleure création en langue française tandis que la Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène de Lev Dodine (Monfort théâtre) celui du meilleur spectacle étranger.
Et pour clore ces premières festivités, le prix du meilleur livre sur le théâtre est allé à Béatrice Picon-Vallin pour son ouvrage de référence sur « Le Théâtre du Soleil, les cinquante premières années » (Actes sud).
En musique, l’opéra de Rameau « Dardanus » dirigé par Raphaël Pichon et mis en scène par Michel Fau à l’Opéra de Bordeaux dont la pièce qu’il joue et met en scène actuellement au Théâtre de l’Oeuvre “Un amour sans fin” remporte un grand succès est couronné meilleur spectacle lyrique de l’année. « Les caprices de Marianne » de Henri Sauguet, un opéra coproduit par 15 scènes lyriques françaises obtient le prix du meilleur spectacle lyrique créé en province. « Penthesilae », opéra de Pascal Dusapin créé à Bruxelles, est distingué comme la « meilleure création musicale » de l’année. Dans la catégorie lyrique, le ténor Stanislas de Barbeyrac est consacré révélation musicale dont l’incarnation dans Alceste au Palais Garnier révèle une prestance vocale pleine de promesses.
En danse le Grand Prix échoit à l’Israélien installé à Londres Hofesh Shechter, qu’on verra au Festival d’Avignon avec « Barbarians » cet été, pour un spectacle donné au Théâtre de la Ville (Abbesses), « Disappearing Act ». Enfin, l’Etoile Aurélie Dupont, qui vient de faire ses adieux à l’Opéra de Paris, est désignée meilleure interprète de l’année.
Et que le spectacle continue en vers et contre tout…!