« James Brown mettait des bigoudis » : la tragédie drôle et piquante de Yasmina Reza  

James Brown mettait des bigoudis : la tragédie drôle et piquant de Yasmina Reza
Photo de répétition © Ann Ray

« James Brown mettait des bigoudis » : la tragédie drôle et piquante de Yasmina Reza

Dans un établissement spécialisé, les Hutner (Josiane Stoléru /André Marcon) – pour le moins désarmés – rendent visite à leur fils Jacob (Micha Lescot), qui se prend depuis l’âge de 5 ans pour Céline Dion, refusant d’être appelé par son prénom, s’exprimant avec l’accent québécois et imaginant à l’envi sa prochaine tournée. Ils y rencontrent aussi Philippe (Alexandre Steiger), un étudiant blanc qui s’identifie comme un activiste noir, et qui s’est lié d’amitié avec Jacob. Sans oublier la psychiatre (Christèle Tual), bien barrée, en charge du bien être de ses pensionnaires.

Yasmina Reza n’a pas son pareil pour distiller les situations incongrues qui font tomber les masques, exploser les certitudes et exacerber les manques. Des personnages perdus, fragiles, désinvoltes, se débattent avec leur conditionnement social et ses travers, poussés dans leurs derniers retranchements ou chacun se confronte au masque de la comédie humaine, à sa solitude, à son vide existentiel, mais aussi à sa rébellion sous-jacente et singulière qui les rendent tous attachants.

Une histoire de différence 

Avec son écriture stylisée, proche du réel, et un ton foncièrement décalé, l’auteure metteuse en scène convoque la bonne distance entre un regard lucide mais aussi surréaliste où son humour grinçant et une infinie mélancolie font le reste. Une tragédie drôle et en demi-teinte donc pour s’emparer avec finesse et fantaisie de la question brûlante de la différence et de l’identité, où la quête de soi se révèle infiniment complexe, propice à des détours affolants.

Le décor classieux d’Éric Soyer et de Marie Hervé avec son espace temps suspendu – à l’abri d’images vidéo et d’un jardin d’Eden – qui accapare toute la scène participe au trouble du dedans et du dehors et à l’incommutabilité qui se joue. Le tout séquencé d’intermèdes musicaux joués à la guitare ou au trombone par Joachim Latarjet qui ponctuent chaque tableau.

Cinq acteurs au diapason

Les protagonistes imaginés par Yasmina Reza impliquent donc authenticité et second degré, facultés que possèdent haut la main les cinq comédiens réunis sur le plateau : Micha Lescot est désopilant de poésie et de fêlures mêlées. Face à lui, Alexandre Steiger qui joue son compagnon d’armes est parfait. Les parents : Josiane Stoléru et André Marcon sont bouleversants d’humanité, aux prises entre un sentiment d’accablement et une volonté de résistance. Quant à Christèle Tual, elle campe une psychiatre aussi déjantée que tacticienne. Bravo !

Dates : du 28 mars au 5 mai 2024 – Lieu : Théâtre de Marigny (Paris)
Metteur en scène : Yasmina Reza

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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