« La Nuit des rois » sous le règne endiablé de Thomas Ostermeier, au cinéma

« La Nuit des rois ou tout ce que voulez » de William Shakespeare, photo Jean-Louis Fernandez

« La Nuit des rois » sous le règne endiablé de Thomas Ostermeier, au cinéma

Pour sa première mise en scène avec la troupe de la Comédie-Française, Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin, frappait fort pour inscrire cette nuit en plein délire. La pièce constitue une des comédies les plus ravageuses de Shakespeare, écrite au 17è siècle, elle traite du genre et du travestissement. Cette proposition est à revoir au cinéma pour ceux qui l’auraient manquée.

Ostermeier prend plaisir à transformer le plateau en une île fantasmagorique à la blancheur immaculée, flanquée de deux palmiers en carton-pâte, où deux faux-primates rodent mais pas que ! La scène est prolongée par un podium qui parcourt toute la salle et prête à accueillir des personnages en proie à des désirs contrariés (les comédiens sont habillés de boxer et de lingerie durant les quelque trois heures), poussés à sortir hors des frontières de leur univers et dans un renversement des sexes et de l’ordre social. Jubilatoire.

Un abyssal jeu de rôles

Séparée de son jumeau, qu’elle croit noyé, à la suite d’un naufrage, Viola échoue en Illyrie. Déguisée en jeune homme, se faisant appeler Césario, elle entre au service du duc Orsino, dont il/elle va tomber amoureux/se. Sauf que le duc convoite la belle Olivia et envoie Césario la convaincre de l’épouser. Mais elle succombe aux charmes du messager.

Le jeu dangereux des apparences et la confusion des sentiments sont ici portés à leur paroxysme. Car si chacun des protagonistes joue à être l’autre, et où personne n’aime celui qu’il croit aimer, entraînant les personnages dans des imbroglios amoureux de haut vol, ce jeu de doubles et de trouble les démasque aussi dans une vérité du désir qui fait exploser la question du genre, de l’identité et de la classe sociale.

Et dans cette fuite en avant transgressive où se révèle la face violente de l’intrigue amoureuse placée sous le signe du travestissement,Thomas Ostermeier orchestre d’une main de maître le va-et-vient permanent entre les acteurs et la dramaturgie.

Elle oscille entre manœuvres intrigantes et/ou outrancières conduites par des personnages méchamment drôles à l’incarnation parfaite dont Laurent Stocker, Sir Toby, est le meneur et l’imprégnation palpable par les couples amoureux, d’une mélancolie du désir propre au jeu de masque et ses limites dévastatrices.

Sans oublier les moments d’improvisation hilarants bien sentis et inspirés de la dernière actualité politique et sociale.

"La Nuit des rois" a tout jsute sous le regard d'Ostermeier à la Comédie-Française
« La Nuit des rois ou tout ce que vous voulez » de William Shakespeare
Christophe Montenez ®Jean-Louis Fernandez

Les acteurs du Français sont exceptionnels. Tout en énergie et virtuosité,  Stéphane Varupenne est un fou magnifique qui irradie la scène d’une présence incroyable. Dans le rôle du duc Orsino, Denis Podalydès incarne tout le trouble mélancolique de son personnage tandis que Laurent Stocker ( Sir Toby) et Christophe Montenez (Sir Andrew) à la dégaine pop rock d’Iggy Pop, forment un duo de choc. Quant à Georgia Scalliet (Viola-Césario) et Adeline d’Hermy (Olivia), elles sont irrésistibles de grâce et de candeur mêlées.

Dates : du 11 au 23 mai 2023 l Lieu : Pathé Live
Metteur en scène : Thomas Ostermeier

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
la-nuit-des-rois-sous-le-regne-endiable-de-thomas-ostermeier-au-cinema-pathe-live "La Nuit des rois" sous le règne endiablé de Thomas Ostermeier, au cinéma Pour sa première mise en scène avec la troupe de la Comédie-Française, Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin, frappait fort pour inscrire cette nuit en plein délire. La pièce constitue...

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici