Une « Andromaque » aux traumas rouge sang à l’Odéon

Une "Andromaque" aux traumas rouge sang à l'Odéon
Andromaque © Simon Gosselin – Bénédicte Cerutti

Une « Andromaque » aux traumas rouge sang à l’Odéon

Dans les décombres sanglants de la Guerre de Troie, les survivants ne peuvent échapper à la répétition de l’horreur sous le regard acéré de Stéphane Braunschweig.

Après Britannicus à la Comédie-Française en 2016, et Iphigénie aux Ateliers Berthier en 2020, c’est la troisième fois que Stéphane Braunschweig met en scène Racine.

Racine a consacré deux tragédies à la guerre de Troie : Iphigénie, récit d’avant les batailles où se mesure le prix du sacrifice pour exaucer les désirs de puissance. Et Andromaque, la pièce de l’après, celle des survivants, vainqueurs ou vaincus, cristallisant non la paix après la victoire des Grecs sur les Troyens, mais une après-guerre instable, qui semble pouvoir retourner au chaos à tout moment

Dans ce monument en cinq actes et 1648 alexandrins, tous les personnages sont hantés par l’horreur qu’ils ont traversée. Car Troie est anéantie et les traumatismes engendrés par cette violence sont irréparables. Aucun des protagonistes ne sait s’en relever, ne peut oublier le sang répandu au nom de la conquête. Une pièce qui raconte l’abîme que peut engendrer la quête de pouvoir.

Les personnages qui s’affrontent, tous dévorés pas la jalousie, la passion contrariée, le ressentiment et l’orgueil, luttent pour rester debout, mais ce sont des êtres de souffrance qui cherchent aveuglément une paix dans la mort.

Des acteurs incandescents

Destinées funestes où le traumatisme de la guerre agit comme un marqueur du malheur à venir où les protagonistes sont aux prises avec une cascade de ratages, dérapages, et trahisons. Le tout attisé par le jeu des amours impossibles. Car Andromaque, c’est aussi la folie amoureuse, résumée par ce schéma passionnel on ne peut plus synthétique : « Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui n’aime qu’Hector, son époux mort ».

Et que Racine exalte à son plus haut degré d’incandescence destructrice. Des héros à bout de souffle donc et à jamais hantés par une histoire et des spectres trop lourds à porter.

Sur la scène de l’Odéon, un plateau nu avec pour seul décor, l’empreinte d’une terre brulée, rouge sang, où tel un ring sacrificiel et mémoriel s’articule et se déploie la tragédie jusqu’à son dénouement final.

Un espace peuplé de cauchemars, de folie meurtrière, de stratagèmes et de passions mortifères, sous l’oracle impétueux, de l’alexandrin et de son astre noir à la brûlure assassine. Le tout orchestré à l’abri d’un geste de mise en scène du Directeur de l’Odéon aussi brillant que percutant.

Un récit servi par des acteurs à l’unisson, dans un jeu à l’équilibre parfait qui imprime un rythme et une tension en résonance totale et fusionnelle avec la langue crépusculaire et lapidaire de Racine. Pierric Plathier (Oreste) et Alexandre Pallu (Pyrrhus) sont magnifiques de passion dévastée. Face à eux, Bénédicte Cerruti est une Andromaque à la douleur rentrée tandis que Chloé Réjon dans le rôle d’Hermione, se révèle aussi machiavélique que possédée. Du grand art. Bravo !

Dates : 16 novembre au 22 décembre 2023 – Lieu : Odéon – Théâtre de l’Europe (Paris)
Metteur en scène : Stéphane Braunschweig

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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