Most recent articles by:

Amaury Jacquet

Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

La Mélisande possédée de Richard Brunel aux Bouffes du Nord 

Richard Brunel livre sa propre interprétation du destin d'une Mélisande lui évoquant des correspondances avec Barbe-Bleue. Celui d'une jeune femme blessée dont l'âme et le corps meurtris se refusent à l'Amour. Pour faire entendre cette écriture entre ciel et terre, entre le visible et l’invisible, où le rapport amoureux se joue dans le silence et l’interdit, Richard Brunel installe une troublante étrangeté, qui saisit les personnages aux prises entre un appel intérieur plus fort qu’eux et la réalité contrariée de leur destin. Un univers flottant entre le conte métaphysique et le réalisme qui nous plonge aussi au coeur d’une psyché et d’un traumatisme lointain

La traversée poétique et organique de Nathalie Béasse

Nous revivrons est une partition libre autour du texte de L’Homme des bois de Tchekhov, où l’humanité et la nature entremêlent leurs destins. De cette puissance évocatrice, Nathalie Béasse (également chorégraphe et plasticienne) s’en empare dans un geste fort et singulier où chaque élément − objet, lumière, son, espace, musique, imaginaire – devient un partenaire de jeu pour les acteurs·ice·s, démultipliant les possibilités d’une fresque nouvelle et son appropriation sensorielle, poétique, terrestre et picturale. Une réussite.

Proust, du côté de chez Christophe Honoré, de retour à la Comédie-Française

"Le côté de Guermantes" est la nouvelle création théâtrale de Christophe Honoré d’après Marcel Proust. Le metteur en scène y livre sa vision personnelle de l’œuvre qui met à jour une aristocratie déliquescente où les accents contemporains renvoient à une illusion perdue. Plaisant.

« Tom à la ferme », un huis clos sous haute tension

On se souvient de l’adaptation au cinéma par Xavier Dolan en 2013 de cette pièce étrange de Michel Marc Bouchard, centrée autour du mensonge, de la détresse morale et des non-dits qui accompagnent un jeune homme de retour sur les terres de son compagnon. Après la mort de celui-ci, Tom, se rend à la ferme familiale pour ses funérailles. Il y rencontre sa mère, qui ignore tout de l’orientation sexuelle de son fils défunt, et son frère, un homme viril et violent qui insiste pour que Tom cache leur relation à sa mère éplorée. Tom se tait. Il se laisse définir comme le collègue, le camarade, l’ami, invente un passé au défunt, dont une ex petite amie, donne ainsi le change auprès d’Agathe où s’installe un faux-semblant dont personne pourtant ne semble dupe ! mais aussi et surtout une relation ambiguë avec le frère (Francis) empreinte de violence, de répulsion et d’attraction, de domination et de soumission.

« Le Roi Lear » dans l’aujourd’hui au Français et en direct au cinéma

Le Roi Lear, la pièce monstre de Shakespeare est aussi la plus emblématique de son répertoire, où la tragédie se dispute aux rivalités familiales exacerbées et aux enjeux de pouvoir. D’une puissance inouïe, elle nous entraîne, d’une voix incarnée par chacun des mots, au plus profond de l’expérience humaine et de ses errements existentiels. Dans la version présentée et librement adaptée par Thomas Ostermeier, qui fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française, après sa Nuit des Rois en 2019 (reprise au cinéma Pathé Live du 11 au 23 mai 2023) déjà aussi décapante que transgressive, le directeur de la Schaubühne de Berlin voit en Lear par delà la déliquescence du pouvoir, un conflit générationnel sur la transmission de l’héritage et ce refus obsessionnel d’abandonner face à ses filles sa position et son influence. Dans la version présentée et librement adaptée par Thomas Ostermeier, qui fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française, après sa Nuit des Rois en 2019 (reprise au cinéma Pathé Live du 11 au 23 mai 2023) déjà aussi décapante que transgressive, le directeur de la Schaubühne de Berlin voit en Lear par delà la déliquescence du pouvoir, un conflit générationnel sur la transmission de l’héritage et ce refus obsessionnel d’abandonner face à ses filles sa position et son influence.

« Godot », sous le magie d’Alain Françon

"En attendant Godot" de Samuel Beckett est un texte fondateur mettant en scène la tragédie de l’existence et la déraison du monde dans laquelle l’humanité se perd. Absurdité donc de la condition humaine où attendre Godot c’est espérer que cela va changer alors que cet espoir est vain. Deux hommes sont seuls au milieu de nulle part à la tombée de la nuit et attendent quelqu’un, Godot. Cet homme providentiel — qui ne viendra jamais — leur a promis qu’il serait au rendez-vous. En l’attendant, les deux amis tentent de trouver des occupations, des « distractions », des diversions pour combler le vide et cette interminable attente. Ils sont à l’affût du moindre divertissement et leur dialogue est traversé de quiproquos, d’incompréhensions, d’insignifiance, de faux espoirs, sans cesse répétés et renouvelés.

« Un mois à la campagne » : l’âme russe en effervescence

Ivan Tourgueniev, fin connaisseur de l’âme russe en effervescence, nous plonge dans les affres de l’amour qui vient, le temps d’un été, semer le trouble puis le désordre, chez des bourgeois paisibles et tranquillement retirés à la campagne. Un jeune homme, engagé comme tuteur du fils de la maison, est convié à entrer dans le salon mais cette irruption soudaine dans un monde de conventions et d’insatisfaction, va faire chavirer les cœurs. Celui de Natalia, la maîtresse des lieux, et de Vera la jeune pupille. Il y a là un ordre social chahuté, plutôt remis en cause d’habitude par des soulèvements ou des mouvements de révolte, et que l’attraction amoureuse ici bouscule jusqu’à révolutionner la maisonnée, chambouler la vie quotidienne, faire vaciller l’équilibre social et familial. Car là où le désir circule, le trio est secoué.

Sylvain Creuzevault possédé par les Frères Karamazov

Sylvain Creuzevault taille dans les 1300 pages les éléments d’une lecture inspirée par Heiner Müller et Jean Genet, selon qui l’ultime roman de Dostoïevsky est avant tout "une farce, une bouffonnerie énorme et mesquine". Le parti pris farcesque devient ici un manifeste sous le regard percutant de Creuzevault qui s’empare avec l’exigence foutraque qu’on lui connait du roman russe, où il traque, sans relâche, le mouvement paradoxal d’une écriture qui ne cesse de se retourner (le rationel devient fou, le croyant quitte le monastère...) et abolit les frontières entre l’innocence et la culpabilité, la pureté et la perversité, la foi et l'impiété, la liberté et la servitude.

Notre Sélection

Laurent Lafitte dans « La Cage aux folles » : la consécration d’un artiste total

l fallait que La Cage aux folles retrouve un jour le Théâtre du Châtelet. La salle aime les éclats, et Olivier Py les défis. Cette nouvelle production, portée par un Laurent Lafitte en état de grâce, assume parfaitement ce double héritage : celui d’un spectacle festif, et celui d’une œuvre dont la légèreté n’a jamais masqué l’aspiration à la liberté.

Une « Mouche » impayable aux Bouffes du Nord

Dans son garage, Robert met au point une machine à téléporter… Il suffira d’une petite mouche aventureuse pour déclencher la "métamorphose"  de l’apprenti sorcier Christian Hecq tout droit sorti de l’univers des Deschiens...Tout un programme !