« Café Müller » possédé par Pina Bausch

"Café Müller" possédé par Pina Bausch
© Uwe Stratmann

« Café Müller » possédé par Pina Bausch

Des panneaux vitrés d’une porte-tambour tournent. Une femme, poussée dans la pénombre de la scène par le tourniquet, se faufile entre les chaises vides pour disparaître à nouveau côté cour. C’est le début de « Café Müller », une pièce de Pina Bausch et chef-d’œuvre fondateur de sa singulière danse-théâtre.

Evoluant dans un espace encombré de chaises et de tables vides, six hommes et femmes se poursuivent et s’étreignent sans fin avec violence ou passion. Ils veulent s’apprivoiser, se conquérir, laisser parler leur désir, mais en vain : la solitude l’emporte. Les corps en mouvements sont hésitants, se font violence, se heurtent entre eux ou contre les murs, se cherchent, se collent et se repoussent.

Une traversée chahutée donc. D’un élan sans cesse menacé et qui donne naissance à une chorégraphie radicale évoquant les thèmes majeurs et fondateurs de la chorégraphe : la solitude, l’errance, la perte, l’incommunicabilité, la douleur d’être soi, la difficile relation à l’autre.

Une dramaturgie dansée

Le désir y est aussi criant. Les danseurs s’y livrent à corps perdus, avec une rage de vivre bouleversante. Car la détermination qui se manifeste dans cette quête éperdue recèle toujours une force, une volonté de ne pas abandonner, de ne pas se laisser détourner de sa destinée, aussi écrasante et désespérante que puisse paraître la situation.

Dans une scène d’anthologie, un danseur place une danseuse dans les bras d’un autre danseur. Ce dernier ne cesse de la laisser tomber avec nonchalance, tandis qu’elle se retrouve dans une infernale boucle d’étreintes éphémères saccadées par des chutes.

Il y a là toute la grammaire de Pina Bausch dans cette intense fuite en avant. Une dramaturgie dansée d’une pureté à couper le souffle. Dans son vocabulaire, on retrouve les poignets tournés vers l’avant et vecteurs de mouvements, des corps parfois basculés en arrière, des gestes étirés, répétés, le tout dans une chorégraphie aux prises avec un enjeu dramaturgique et une évocation du réel.

La musique et les arias de Purcell résonnent d’une ferveur mélancolique tandis que les moments de silence dansés et puissants suspendent le temps. Là où la danse exalte les sentiments et leurs territoires mouvants. Bravo !

Dates : 6 au 12 juillet 2023 – Lieu : La Villette et Théâtre de la Ville hors les murs (Paris)
 Mise en scène et Chorégraphie : Pina Bausch
Direction artistique : Boris Charmatz

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Chorégraphie
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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