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Be my wife, un artiste unique et addictif à découvrir avec son double EP The Restless Pursuit / To deliver a feeling, sortie le 5 septembre 2025

Be My Wife est le pseudonyme de l’artiste argentin Federico Nessi, pseudonyme clairement inspiré du célèbre titre de David Bowie sur son album Low de 1977. Le double EP The Restless Pursuit/ To Deliver a feeling donne un très bon aperçu de ses intentions dans des titres entre ambient, rock et électro dans un fourre-tout très attirant.

Des titres fascinants

Be my Wife / Federico Nessi se définit comme un artiste avant-gardiste. Installé à Paris, il s’abreuve aux sources post punk, rock et électro. Sa musique ne se fige pas dans un seul style, les facettes sont multiples et le résultat est ensorcelant. Le titre Me Cuesta annonçait la sortie de l’EP décortiqué ici, et il était clairement rythmé, addictif et hypnotique. Federico Nessi vient d’Argentine et plus précisément de Buenos Aires, il a vécu aux États-Unis à Miami et il vit maintenant en France à Paris, preuve que le bonhomme ne tient décidemment pas en place. L’inspiration Bowie tient surtout à sa période Brian Eno, ce dernier ayant beaucoup participé et inspiré la fameuse trilogie berlinoise de Bowie. Les chansons de Be my Wife sentent le bidouillage électronique, les rythmiques sont saccadées, les sonorités sentent le synthétique, tout semble avoir été savamment travaillé avec une bonne dose de nuits blanches. Les chansons ne semblent pas être complètement ce qu’elle semblent être au premier abord, comme si elles renfermaient des tiroirs secrets qui ne demandent qu’à être découverts. Les titres Another light, Melodramatic, Radically Sealed et Who you are mettent la puce à l’oreille, le loustic semble vraiment passionnant. Le premier EP 4 titres The Restless Pursuit est sorti en février 2025 et le second avec 4 nouveaux titres dont Me Cuesta est une belle confirmation. Beaucoup verront une influence Kraftwerk, voire Krautrock, voire également Devo, sans oublier Nine Inch Nails ou pourquoi pas Beck. La liberté est la seule loi, les barrières sont interdites. Ca pourrait être le début d’une nouvelle révolution, passionnante et revigorante. La voix du chanteur dispense des sonorités presque synthétiques, pour tout dire c’est une vraie révélation, voire un vrai choc. Il sonne parfois comme Dave Gahan, le frontman de Depeche Mode quand il se laisse aller dans les graves, et puis il rappelle Moby quand il est plus aigu. Ca fonctionne, c’est certain.

Be my wife sort des entiers battus et ça fait du bien de sortir du cadre. Il attrape l’auditeur par le col et le propulse dans un univers sonore dont il est difficile de sortir. Après plus de 30 écoutes, je suis piégé, Be my wife est bien l’artiste de cette fin d’année 2025.

Lady Macbeth de Msensk ou l’amour à mort selon Warlikowski, est à (re)voir sur Mezzo Opéra

Lady Macbeth de Msensk à l’Opéra Bastille : L’amour à mort selon Warlikowski
Lady Macbeth du district de Mzensk par Krzysztof Warlikowski (© Bernd Uhlig / Opéra national de Paris)

Lady Macbeth de Msensk ou l’amour à mort selon Warlikowski, est à (re)voir sur Mezzo Opéra

Cet opéra, donné à Bastille en 2019, est à (re)voir sur la chaîne Mezzo Opéra le samedi 6 septembre à 20h30.

Lady Macbeth de Mzensk est un brûlot, un coup de poing, un de ces opéras qui marque durablement l’imaginaire. Chef-d’œuvre d’un Chostakovitch d’à peine trente ans, le livret entraine l’art lyrique sur des voies sulfureuses. Où le déchaînement du désir est le résultat d’une oppression vécue par une femme prisonnière du carcan des conventions sociales et prête à toutes les transgressions. Une Madame Bovary tout droit venue du froid.

La solitude de l’héroïne y est intenable, la pression sociale étouffante, l’amour, emporté par une sexualité ravageuse. Le tout traité dans un mélange de lyrisme incendiaire et d’ironie grinçante. L’orchestre de Chostakovitch ? du métal en fusion. Ses personnages ? Des paysans, des bagnards, des ouvriers, des policiers véreux dont les griffes écrasent peu à peu la fragile Katerina, métamorphosée de scène en scène en Lady Macbeth sanguinaire.

Lorsque, dans les années 1930, Staline découvrit l’opéra de Chostakovitch, il quitta la salle avant même la fin du spectacle, laissant La Pravda dénoncer le lendemain un « chaos au lieu de musique« . Quatre-vingt ans après, la modernité et l’emportement transgressif de Lady Macbeth n’ont rien perdu de leur intensité et témoignent de la même charge et puissance abrasive.

L’opéra est inspirée du roman homonyme de Nikolaï Leskov qui raconte l’histoire de Katerina, une femme mal mariée, au fin fond de la Russie, seule, harcelée par son beau-père Boris, et qui tombe amoureuse d’un employé de son mari, Sergueï. Elle finit par empoisonner Boris qui a découvert leur liaison, puis étrangle avec l’aide de Sergueï son mari Zynovy qui les a surpris. Le corps dissimulé dans la cave, ils s’apprêtent à se marier quand le cadavre est découvert.

Les amants sont arrêtés et condamnés au bagne en Sibérie. Pendant le trajet Sergueï reproche amèrement à Katerina d’être responsable de la situation. Il courtise une jeune fille qui se donne à lui pour une paire de bas qu’il réclame à Katerina. Celle-ci entraîne alors la fille dans le fleuve où elles se noient toutes les deux.

Une descente aux enfers

Krzysztof Warlikowski dont on connait la singularité et l’exigence extrême de metteur en scène, accompagne cette descente aux enfers au plus près de l’œuvre et de la musique, aussi suggestive qu’explosive. Dans un geste radical et qui sonne juste, il transpose l’intrigue sur fond d’un abattoir dont l’univers bestial renvoie à la violence extrême des rapports humains.

Le décor glaçant élaboré par Małgorzata Szczęśniak est constitué d’un vaste espace propice au découpage séquentiel ainsi qu’au déploiement de l’histoire qui expose l’héroïne (meurtrière mais amoureuse) à un désir ardant de la chair et à un monde dépossédé de toute humanité. A la fois salon, chambre, église, puis prison, les éléments scénographiques sont interchangeables où les lumières, la vidéo, convoquent de concert des séquences ultra-réalistes et oniriques, en projection totale avec la lecture de la dramaturgie et son embrasement orchestral.

Une mise en situation qui cristallise la noirceur d’une condition humaine aux abois mais aussi le délitement d’une société machiste et violente où cruauté, trahison, perdition sont à l’œuvre.

Et dans cette fuite en avant, la soprano lituanienne Ausriné Stundyté est exceptionnelle d’incarnation où sa voix puissante impose un tempérament de feu. Quant à son partenaire qui joue l’amant Sergeï (Pavel Cernoch), il est cet objet du désir, fébrile, à la tonalité vocale dense et enveloppante.

Le reste de la distribution est au diapason, le tout emmené par une direction d’acteurs/chanteurs au cordeau. Où chaque geste/vocalise s’empare du drame, l’explore et le révèle sur la trame musicale à la fois brûlante et tendue, dont l’architecture se charge et se déploie avec force sous la direction de Ingo Metzmacher.

Date : 6 septembre 2025 sur la chaîne Opéra à 20h30
Metteur en scène : Krzysztof Warlikowski

Le classique de Kurosawa Entre le ciel et l’enfer au cinéma au cinéma en version restaurée 4K le 3 septembre

Akira Kurosawa est surtout connu pour ses films de samouraï. Il livre ici un polar aux différentes dimensions. Le polar est d’abord psychologique avec une question retorse. Faut-il payer une rançon pour délivrer un fils qui n’est pas le sien? Puis le polar devient plus classique, les policiers recherchent leur cible. Enfin le polar devient social avec une division fracassante entre riches et pauvres. Entre le ciel et l’enfer bénéficie d’une structure unique et ambitieuse mise en valeur par sa mise en scène particulièrement élaborée.

Un film très ambitieux

Le film noir bénéficie d’un travail approfondi du réalisateur sur la disposition des personnages dans l’espace, avec de multiples variations de rythme et une musique particulièrement travaillée. La maitrise et la richesse du film forcent le respect. Akira Kurosawa adapte un roman d’Ed McBainRançon sur un thème mineurEntre le ciel et l’enfer est scindé en 2 parties avec un huis clos dans la maison du riche industriel incarné par Toshiro Mifune puis la traque du kidnappeur dans les bas-fonds de la ville menée par le policier en charge de l’enquête et interprété par Tatsuya Nakadai. Les codes du film de genre ne manquent pas. La grande ville et ses quartiers malfamés, la drogue, la traque entre la police et le criminel, le tout filmé en TohoScope avec un noir et blanc somptueux. Le cinéaste fait preuve d’un sens du rythme et du suspense très poussé, avec comme point central la séquence inégalable dans le train, du même niveau qu’un Alfred Hitchcock. Le ciel, ce sont les hauteurs de la ville et la richesse de Gondo. L’enfer, ce sont les bas-fonds et la pauvreté du ravisseur. Le film interroge sur la duplicité des personnages, la victime et le coupable sont les 2 faces d’une même réalité, chacun pourrait être l’autre s’ils avaient été élevés dans deux milieux sociaux différents. Les 2 mondes sont hermétiques l’un à l’autre et Kurosawa livre une critique du capitalisme et de ses excès. Les actionnaires souhaitent le profit au détriment de toute forme de morale, avec pour conséquences les inégalités sociale permanentes qui poussent les gens à commettre les pires crimes.

La sortie au cinéma de cette version restaurée 4K permet de découvrir ou redécouvrir un des sommets de ce grand réalisateur japonais.

Synopsis: Industriel au sein d’une grande fabrique de chaussures, Kingo Gondo décide de rassembler tous ses biens afin de racheter les actions nécessaires pour devenir majoritaire. C’est à ce moment-là qu’il apprend que son fils Jun a été enlevé et qu’une rançon est exigée. Se produit alors un véritable coup de théâtre : ce n’est pas Jun mais Shin’ichi, le fils de son chauffeur, qui a été enlevé. Gondo est désormais face à un dilemme : doit-il dépenser toute sa fortune pour sauver l’enfant d’un autre ?

Un film plein de mystère avec Sleeping Dogs en VOD/EST le 2 septembre

Le casting de ce film comprend avant tout le grand Russel Crowe dans le rôle principal d’un enquêteur souffrant d’Alzheimer. Mis au repos par sa hiérarchie, il est contacté pour reprendre une affaire où l’accusé d’une ancienne enquête clame son innocence. Diminué mais volontaire, il mène l’enquête dans une ambiance des plus paranoïaques, avec l’inévitable twist final si cher aux scénaristes américains.

Un thriller efficace

Sleeping Dogs est adapté du best-seller Jeux de miroirs d’Eugen Ovidiu Chirovici. Le réalisateur Adam Cooper se sert des principales manettes de l’ouvrage pour livrer un thriller psychologique tendu, centré sur le personnage de Roy Freeman interprété par Russell Crowe qui est un ex-policier amnésique qu’une ancienne enquête inachevée rattrape et obnubile. Le film se déroule sur le monde de chapitres, chaque personnage de chaque épisode est lié au crime, avec notamment le professeur Joseph Wieder (Marton Csokas) et Laura Baines (Karen Gillan), et l’intrigue avance avec chacune des interventions comme une pièce apportée au puzzle. Le roman multipliait les points de vue autour d’un manuscrit central, le film se recentre avant tout sur le personnage de Freeman, la narration est linéaire et agrémentée de flashbacks, le spectateur se demande souvent si les souvenirs sont vrais car ils semblent toujours incertains. La vérité est fragmentée et il faut de longs détours pour finir par la connaitre véritablement. Le réalisateur manie tension et ambiguïté et le résultat est convaincant grâce aux prestations solides de Crowe et Gillan.

Le polar est efficace, Sleeping Dogs interroge sur notre rapport à la mémoire et au réel dans une ambiance oppressante avec son lot de fausses pistes et d’ambiguités.

Synopsis: Un ancien inspecteur de la police criminelle ayant perdu la mémoire est contraint de résoudre un meurtre brutal et de découvrir des secrets effrayants de son passé oublié.

Un seul en scène solaire avec la pièce Robinson au Lucernaire

Le Lucernaire laisse toute la place nécessaire à Erwan Creignou pour adapter, mettre en scène et interpréter le roman d’aventures anglais Robinson Crusoé de Daniel Defoe, publié en 1719. Mais la pièce s’éloigne du roman original pour emprunter également à Michel Tournier et Chamoiseau, de quoi découvrir une variation originale portée par l’auteur/comédien tout en verve et en passion contenue.

Un homme échoué mais révélé à lui même

L’histoire est bien connue, un navire s’échoue et un homme seul est l’unique survivant du naufrage. Il doit survivre dans un environnement inconnu, en pleine solitude. Passé l’abattement initial, il s’ingénie à se construire un chez soi tout en trouvant des moyens de subsistance inespérés. Loin de succomber à la folie, il fait preuve d’une capacité de résilience inattendue pour résister aux foudres d’un destin contraire. A l’instar de son personnage acculé aux limites de la raison, l’interprète parvient à aviver des émotions profondes et sincères avec quelques procédés scéniques habiles et artisanaux. La scène de tempête est particulièrement marquante, le public s’y croit vraiment. La narration suit les péripéties du héros, de la trace de pied aperçue sur la plage jusqu’à la visite d’une troupe locale relativement hostile. D’autres surprises sont au rendez-vous, impossibles à spoiler pour laisser son lot de surprises aux futurs spectateurs. L’important tient à la révélation finale sur le gout du personnage pour une solitude savamment entretenue, de quoi donner envie de ne s’intéresser qu’aux choses essentielles et non pas au superflu qui est la marque de notre société capitaliste.

Robinson se joue jusqu’au 2 novembre pour découvrir un seul en scène prenant et fascinant.

Synopsis: Dans la nuit du 25 septembre 1659. En plein océan Pacifique au large des côtes du Chili, la tempête fait rage et sur le navire en perdition, un jeune marin du nom de Robinson voit sa dernière heure arriver…

Naufragé sur une île déserte, il lutte pour survivre. Il résiste à la solitude, à la folie qui l’accompagne, il s’adapte. Jusqu’à la découverte d’une empreinte humaine le long du rivage…

J’ai emprunté à Defoe, à Tournier, à Chamoiseau, à tous les naufragés et à leurs récits de survie. J’ai emprunté à nos rêves d’enfants, à nos cabanes du bout du monde…

Une tempête, un naufragé, une île… Une aventure…

Détails:

Du 27 août au 2 novembre 2025, salle Paradis

Mercredi > samedi 19H| Dimanche 15H30

Entre mes deux maisons (Milan)

Entre mes deux maisons (Milan)

Les éditions Milan nous proposent un album jeunesse particulièrement juste : Entre mes deux maisons.

C’est l’histoire d’une petite fille qui est en situation de garde alternée. Et elle nous raconte sa vie une semaine chez papa et une semaine chez maman. En fait, elle a deux vies, tellement différentes. Pour aider le temps à aller plus vite, la petite fille a tendu un fil entre ses deux vies. Elle raconte, avec beaucoup de justesse, que le moment le plus difficile pour elle, c’est celui de la séparation. Le moment où ses deux parents sont présents, où elle sent une pression entre ses deux parents ! Elle doit quitter un parent pour aller retrouver l’autre parent…

Entre mes deux maisons est un très bel album, sans jugement, qui décrit juste une situation vécue par une enfant. Et cet album, joliment illustré, pourrait aider beaucoup d’enfants dans la même situation, et inciter les parents à faire la paix, même en étant séparés…

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Infos de l’éditeur :

Date de parution : Août 2025
Auteur : Séverine Vidal
Illustrateur : Louis Thomas
Editeur : Milan
Prix : 13,90 €

A l’opéra de Paris, la danse musicale de George Balanchine sur France 4

A l'opéra de Paris, la danse musicale de George Balanchine
Crédit photographique: © Agathe Poupeney/ Opéra National de Paris

A l’opéra de Paris, la danse musicale de George Balanchine sur France 4

Fils de compositeur, George Balanchine (1904-1983) a appris la musique avant la danse. Toute sa vie, il a gardé cet intérêt et cette intime connaissance de la musique qui, seule, a guidé ses créations. Il disait lui-même : « Le ballet est avant tout une affaire de tempo et d’espace : l’espace délimité par la scène, le temps fourni par la musique« .

C’est donc cette musicalité des corps qui est à l’œuvre en cette soirée consacrée au maître où son classique abstrait, affranchi de toute narration, tend à l’épure et à cette géométrie de l’espace, entièrement dédiée à la musique et au mouvement. Un pur ravissement.

Ce ballet donné en 2023, a fait l’objet d’une captation diffusée sur France 4, ce soir 23 septembre 2025 à 21h00.

Architecture chorégraphique

Deux pièces majeures, deux architectures chorégraphiques, qui faisaient leur entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris. Ballet impérial, créé en 1941 par l’American Ballet Caravan sur le Concerto pour piano n° 2 de Piotr Ilyitch Tchaïkovski, et Who Cares ? créé en 1970 par le NewYork City Ballet sur une musique de George Gershwin. Mikhail Agrest, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris, dirige l’Orchestre de l’Opéra de Paris.

Ballet Impérial, pour 31 interprètes, est d’une perfection totale dédiée à la danse et à cette géométrie de l’espace propre au maître où Balanchine rend hommage à Marius Petipa. Il y déploie son art pour un classique abstrait sans narration au seul service de la virtuosité technique et à cette grammaire néoclassique hypnotisante.

Avec Who Cares ? pour 24 danseurs, changement de tempo et de décor. Sur des airs de Gershwin dont les très connues The Man I Love ou I Got Rhythm, un vocabulaire jazzy, pleine d’effervescence, électrise le corps de ballet à l’euphorie communicative, avec pour toile de fond des gratte-ciels newyorkais entre ciel et terre.

Le ballet se divise en deux parties. La première, pleine de vitalité désinvolte, est propre à faire briller l’écriture des ensembles, tandis que la deuxième offre une atmosphère plus intimiste et fait apparaître un danseur et trois danseuses solistes.

Date : le 23 septembre 2025 sur France 4 à 21h00
 Chorégraphe : George Balanchine

Disparition d’Agnès Berthon, figure emblématique et singulière de l’œuvre de Joël Pommerat

Disparition d’Agnès Berthon, figure emblématique et singulière de l’œuvre de Joël Pommerat
Agnès Berthon dans « la Réunification des deux Corées » (c) Agathe Pommerat

Disparition d’Agnès Berthon, figure emblématique et singulière de l’œuvre de Joël Pommerat

Née à Alger le 23 juin 1959, jumelle de Florence, rapatriée sans souvenir mais avec la mémoire d’un exil fondateur, Agnès Berthon a grandi entre massif central et méditerranée, rock anglais et adolescence électrique.

Très tôt, elle pose ses pas entre musique et théâtre, pigiste à Londres pour Rock & Stock, apprentie comédienne à Paris, militante du collectif avec Christian Benedetti. Sa vie sera faite de passages, de rencontres : Miossec à Brest, Dominique Sonic à Rennes, puis un soir de 1997, Joël Pommerat. Elle avait lu son portrait, elle avait su : ce serait lui.

Dès Treize étroites têtes, elle entre dans le cercle et n’en sortira plus. Dix-sept créations, de « Au Monde » à « Ça ira (1) Fin de Louis », jusqu’à la reprise récente de « La Réunification des deux Corées ».

Actrice de l’ombre et de la lumière, elle n’ornait pas le plateau, elle le hantait. Présence androgyne, voix aérienne, puissance muette : son art consistait à accueillir, à se laisser traverser. Incarnée et désincarnée à la fois, elle portait ce réalisme magique qui fit la signature Pommerat.

Dans son théâtre, Agnès devient figure, spectre, souffle. Elle est présence et absence, réalité et hallucination. Androgyne, entité « venue d’ailleurs », elle prête à Pommerat la part de rêve et de trouble que son théâtre appelle.

On se souvient d’elle dans « Ça ira (1) Fin de Louis », grotesque et tragique à la fois. On se rappelle d’elle encore dans « La Réunification des deux Corées », en Bowie satiné, voix-tube inventée, hantant l’espace entre les scènes, séduction tragique et suspension hypnotique pour une voix de velours hors du temps.

Son art était celui de l’accueil : accueillir les hasards, les signes, les déplacements. Ne rien chercher, mais tout laisser advenir. Une actrice désincarnée et pourtant ancrée, artisanale et pourtant visionnaire. Camarade de troupe parfaite, fédératrice, généreuse, mais aussi avide de solitude et de silence.

Elle apparaissait aussi au cinéma, toujours aux lisières — Bertrand Mandico, Arnaud des Pallières, bientôt Caroline Deruas à Venise. Elle préparait encore des projets, comme si l’élan ne devait jamais cesser.

Sa vie fut tissée de rencontres, d’écoutes, d’accidents. Marquée par la mort brutale de sa mère dans son enfance, elle avait appris à vivre chaque instant comme une rareté. Sa gémellité avec Florence fondait ce rapport particulier à l’existence, cette conscience aiguë de l’éphémère.

Agnès Berthon avait ce don : rendre habitable l’étrangeté du monde. Elle savait que tout est fragile et précieux, et le disait avec son corps, sa voix, ses silences.

Le 17 août 2025, la voix s’est tue à Narbonne. Mais son souffle reste : il habite encore les mots de Pommerat, il hante ce théâtre d’ombre et de lumière.

Un mal irréparable, un roman de Lionel Duroy (Mialet-Barrault Editeurs)

Un mal irréparable, un roman de Lionel Duroy (Mialet-Barrault Editeurs)

Publik’Art suit, avec passion, Lionel Duroy depuis des années ! Encore une fois, son dernier roman qui vient de sortir, Un mal irréparable, nous a bouleversés !

Frédéric Riegerl est un écrivain français reconnu et aimé à travers le Monde ! Il a 74 ans et s’interroge sur sa vie, et surtout celle de ses parents. Il ne comprend pas pourquoi il ne s’est jamais posé de questions avant !

Et ce qu’il va découvrir du passé de ses parents va l’anéantir. Lui qui pensait avoir eu une enfance heureuse, avoir une maison de campagne… Il va se rendre sur place et découvrir l’innommable ! L’impensable, le mal irréparable !

L’auteur raconte l’histoire d’une famille qui fut déportée dans la nuit du 18 au 19 juin 1951. 40 000 personnes habitant dans une région frontalière de la Yougoslavie furent raflées par les forces de police roumaines, et déportées dans le Bărăgan. Leur vie devint un enfer. Ils luttèrent pour survivre, dans des conditions catastrophiques et beaucoup moururent, enterrés sur place… Les parents de Frédéric vont tout faire pour que leur fils ne garde aucun souvenir de sa petite enfance, aucun souvenir de cette période dramatique et si cruelle… Et lui, va attendre de devenir orphelin pour s’interroger sur le sens de sa vie et de celle de ses parents… Il ne le fera jamais de leur vivant, n’imaginant absolument pas le passé tragique qu’ils ont tous vécu !

Lionel Duroy nous embarque avec beaucoup de pudeur et de dignité dans une Histoire quasi insoutenable, avec une plume tellement juste et vraie.

Un mal irréparable est un roman à lire absolument, comme un hommage rendu à toutes ces victimes qui ont vraiment existé !

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Infos de l’éditeur :

Date de parution : Aout 2025
Auteur : Lionel Duroy
Editeur : Mialet-Barrault Editeurs
Prix : 21 €

J’ai adoré mourir, de Sophie Chauveau (Editions Télémaque)

 

J’ai adoré mourir, de Sophie Chauveau (Editions Télémaque)

Sophie Chauveau nous confie ses pensées dans son dernier livre : J’ai adoré mourir. Si elle raconte ses expériences personnelles autour de la mort, elle se livre aussi sur la façon de vivre en France, et ce, durant la période de la Covid. Une bonne analyse de ce que nous avons tous vécu ! Et que l’on n’a pas du tout envie de revivre !

Elle nous livre aussi sa vie familiale avec ses filles exilées en Israël. Pas facile de vivre séparées. Mais on ne lui a pas demandé son avis… Elle doit faire son deuil d’une certaine façon. Accepter de voir grandir ses filles, loin d’elle. accepter de ne pas être auprès d’elles alors qu’elles vont faire euthanasier leur chien…

C’est aussi passionnant car l’auteure est historienne et analyse le monde. Et l’on plonge aussi dans un monde littéraire et artistique bouillonnant. Quelle culture !
Elle nous confie à la fois sa vie personnelle, sa vie familiale, ses interrogations sur le passé, l’Histoire, les persécutions, les attentats, la Shoah, le monde dans lequel nous vivons…
La mort rôde partout autour de Sophie Chauveau. Elle enterre les personnes qu’elle aime et fait souvent des nécrologies… Si elle reste très triste à chaque fois qu’elle perd une personne aimée, la mort ne lui fait pas peur. Mais vraiment pas peur. Elle-même a vécu deux fois la mort… Elle a presque failli mourir deux fois ! Mais c’était plutôt un chemin vers la joie et la lumière… Une expérience au final pas du tout traumatisante !

J’ai adoré mourir est un livre très autobiographique, très vrai et émouvant. Mais c’est surtout une ode à la vie !

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Infos de l’éditeur :

Date de parution : Juin 2025
Auteur : Sophie Chauveau
Editeur : Editions Télémaque
Prix : 22€

Sortie d’Oxana en DVD, BRD et VOD le 19 août, le film d’une époque

Le film Oxana de Charlène Favier raconte la naissance du mouvement Femen. Le mouvement a été fondé notamment par Oksana Chatchko, artiste peintre et activiste féministe à l’existence courte mais intense. La renommé internationale des Femen provient de protestations publiques réalisées sous forme de happening-coup de poing dans le but de dénoncer la prostitution institutionnalisée en Ukraine, ainsi que la corruption ou les élections truquées en Russie.

Un biopic musclé

Les Femen étaient connues pour écrire écrire des slogans chocs sur leurs poitrines dénudées avec pour résultat des photos de leurs manifestations reprises dans le monde entier. Le film colle à l’histoire particulière de l’héroïne et il amoindrit quelque peu la rage, la révolte, la passion et la radicalité de la résistance. Robin Campillo avait un peu plus collé à l’esprit des temps dans son opus dans 120 battements par minute. Le film aborde 2 sujets principaux et incontournables, la lutte des femmes et l’Ukraine, avec tous les tressaillements politique qui y sont liés. Le film alterne entre 2 époques, 2008 et 2018, et 2 pays, l’Ukraine et la France, pour une densité indéniable. Si la fluidité et l’effervescence en pâtissent quelque peu, le film tient en haleine grâce à l’enchainement des évènements pour un destin particulier qui touche à l’universalité. L’actrice Albina Korzh se donne à fond dans un film qui remonte l’histoire récente et justifie des actions marquantes en étayant le contexte.

Oxana est un film à découvrir en DVD, BRD et VOD le 19 aout pour un beau coup de projecteur sur un destin hors normes.

Synopsis: Ukraine, 2008. La jeune Oxana et son groupe d’amies multiplient les actions, slogans peints sur le corps et couronnes de fleurs dans les cheveux, contre un gouvernement arbitraire et corrompu. C’est la naissance d’un des mouvements les plus importants du XXIe siècle : FEMEN. Réfugiée politique, artiste, activiste, Oxana franchira les frontières et militera sans relâche pour les droits des femmes et la liberté, jusqu’à risquer sa propre vie.

« Mad Men » : le vide sublime du rêve américain

"Mad Men" : le vide sublime du rêve américain
Au premier plan les inoubliables Don Draper (Jon Hamm) et Peggy Olson (Elisabeth Moss)

« Mad Men » : le vide sublime du rêve américain

« Mad Men », c’est une série qui a réussi l’exploit de transformer le néant en objet d’art. Sept saisons où l’on regarde des types fumer, boire, tromper leurs femmes et essayer de vendre du shampoing comme si c’était Shakespeare. Et le pire ? On est fascinés.

Parce que derrière les costumes taillés et les répliques glacées, il y a quelque chose de plus grand, de plus sombre : le spectacle sublime de l’illusion qui se fissure.

Don Draper (Jon Hamm) par exemple : c’est un mystère en costard, une silhouette qu’on croit solide, mais qui se dissout au fur et à mesure qu’on l’approche.

L’élégance fatale

C’est le mensonge devenu chair, une cicatrice habillée en publicité Coca-Cola. Un personnage tellement creux qu’il en devient poétique. On pourrait se moquer de lui — et on le fait, évidemment — mais avouons-le : quand il vend un mensonge, il nous vend aussi la beauté du mensonge. Et ça, c’est hallucinant.

Car Mad Men n’est pas qu’une satire du rêve américain : c’est une symphonie de silences, de regards perdus dans la fumée, de gestes insignifiants qui deviennent tragiques. C’est lent, oui. Mais cette lenteur est calculée, presque hypnotique. Elle nous force à contempler l’érosion, à voir comment un sourire impeccable peut cacher une solitude abyssale.

Et puis il y a les femmes de la série — Peggy Olsaon (Elisabeth Moss), Joan Holloway (Christina Hendricks), Betty Draper (January Jones), coincées dans un décor trop étroit et habitées d’une illusion funeste, qui sont les véritables héroïnes de ce soap trouble et complexe, traversant ce monde saturé de whisky et de testostérone avec un mélange de fragilité et de puissance.

Eux croient écrire l’histoire en inventant des slogans ; elles, elles survivent à l’histoire en la transformant de l’intérieur. Elles sont le contrepoint lumineux d’un décor saturé de faux-semblants.

Au fond, « Mad Men » n’est pas une série sur la pub, ni sur les sixties, ni même sur Draper. C’est une série sur le vide. Mais pas un vide triste ou morne : un vide magnifique, chorégraphié, taillé sur mesure, mystérieux, habillé de soie et de fumée.

Un vide qui ressemble étrangement au nôtre, celui des réseaux sociaux, des identités bricolées, des slogans qu’on s’invente pour se rendre supportables.

Alors oui, « Mad Men », c’est une série qui nous berce avec du néant. Mais avouons-le : rarement le vide n’aura été aussi beau à regarder, aussi vertigineux à s’imprégner de sa détresse existentielle.

Sur Arte.tv « Mad Men » l’intégrale en sept saisons

Marie-Laure de Decker à la MEP : l’art de viser juste

Marie-Laure de Decker, l’art de viser juste
Marie-Laure de Decker, Simone de Beauvoir lors du rassemblement de la Foire des femmes, Vincennes, 16-17 juin 1973 © Marie-Laure de Decker

Marie-Laure de Decker à la MEP : l’art de viser juste

La MEP nous tend le miroir d’une époque en cendres : Vietnam, Tchad, Soweto, l’ombre de Pinochet… Le conflit est là, bien présent, mais Marie-Laure de Decker évite le choc frontal — elle préfère le hors-champ, la suggestion, l’humanité effleurée, non la violence surimprimée.

Pas de fracas, pas de poudre — la photographe tire au silence. Ses clichés du Vietnam ou du Tchad, aujourd’hui accrochés à la MEP, ne montrent pas la balle mais le souffle qu’elle laisse. Soldats épuisés, enfants sidérés : la guerre suinte dans les regards, pas dans les explosions.

L’engagement droit dans les yeux 

Car avec elle l’image ne hurle pas, elle sourd dans la dignité des visages, l’intensité des silences, et dans ce pas de côté débusqué où la vie continue malgré tout, se montre envers et contre tout.

Pas d’explosions, pas de feu d’artifice sanglant : la guerre se lit dans les creux, dans les postures, dans les corps que la photographe sculpte à coups de lumière. Elle ne montre pas l’impact de la balle, mais la seconde qui précède ou suit. Le silence avant le chaos.

Puis viennent les portraits : Barthes, Duras, de Beauvoir, Godard. Même régime sec : pas de décor, pas de fioritures. Les icônes tombent le masque, ramenées à leur chair nue. De Decker ne hiérarchise pas : l’anonyme et la célébrité, le combattant et l’écrivain, tous logés au même cadre, à la même intensité.

Elle ne vole rien : elle attend. On sent dans chaque image le temps partagé, la confiance arrachée ou délivrée. Ce n’est pas la chasse de Capa, ni le spectacle de Nachtwey ; c’est une lente mise à nu, presque une ascèse. Le regard de ses sujets ne se détourne pas, il affronte celui qui le regarde aujourd’hui. Et ce face-à-face, c’est nous qui le recevons.

L’exposition façonne un dialogue constant : l’histoire et l’intime. Le reportage et le portrait se répondent, comme si la violence du monde ne pouvait s’exprimer que par la tension du sensible opposé. À l’échelle du photographe, c’est une quête d’équilibre : documenter sans sacrifier l’humain.

Près de 300 photos, toutes tendues comme des cordes prêtes à rompre, composent cette première grande rétrospective. On en sort le regard aiguisé. Car ici, l’image n’est pas souvenir — elle est l’engagement même, droit dans les yeux.

 Dates : du 4 juin au 28 septembre 2025 – Lieu : MEP (Paris)
Photographe : Marie-Laure de Decker

J’aime les animaux ! (Glénat Jeunesse)

J’aime les animaux ! (Glénat Jeunesse)

Les éditions Glénat jeunesse nous proposent un très bel album jeunesse, documentaire sur le thème des animaux: J’aime les animaux ! Et ce sera mon métier…

Publik’Art vous avait déjà fait découvrir un très chouette album, dans la même collection : J’aime la mode.


Le jeune lecteur va découvrir tous les métiers qui tournent autour des animaux. Il est évident que vous en connaissez déjà beaucoup, vétérinaires, comportementaliste, physiothérapeute, mais connaissez-vous le secouriste de la faune sauvage, l’inspecteur en protection animale, le policier maître-chien, l’éthologue, l’aquariologiste, ou encore le trayeur de serpent ?
Le jeune lecteur va découvrir 50 métiers et 50 surprises sous les rabats ! Toujours en rapport avec les animaux !

Les illustrations sont pleine d’humour, et les explications des différents métiers sont très claires et très intéressantes.

J’aime les animaux est un très chouette album, entièrement cartonné, grand format, à offrir aux garçons comme aux filles car tout le monde aime les animaux ! Un album documentaire intelligent et pédagogique !

Acheter dans une librairie indépendante

Infos de l’éditeur :

Date de parution : Juin 2025
Auteur : Jamie Collins
Illustrateur : Josh Cleland
Editeur : Glénat Jeunesse
Prix : 13,90 €

« Le Messie » selon Wilson : icônes, silences et éclats – à (re)voir sur ARTE concert en hommage au grand Bob

Le Messie selon Wilson : icônes, silences et éclats - à (re)voir sur ARTE concert en hommage au grand Bob
Bob Wilson, Le Messie Photo ©Lucie Jansch

« Le Messie » selon Wilson : icônes, silences et éclats – à (re)voir sur ARTE concert en hommage au grand Bob

En hommage à Bob Wilson, disparu le 31 juillet 2025, (notre article ici), ARTE concert propose de (re)découvrir sa mise en scène du célèbre oratorio de Haendel réorchestré par Mozart. Un spectacle créé à Salzbourg en 2020, porté par le chef d’orchestre français Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre. Capté le 23 janvier 2020 lors de la Semaine Mozart à Salzbourg en Autriche et disponible sur ARTE concert jusqu’au 5 novembre 2025.

C’est dans le cadre de la Semaine Mozart de Salzbourg, événement annuel d’envergure, que Bob Wilson a offert sa vision personnelle du Messie de Haendel dans la version de Mozart.

Composé en seulement 24 jours en 1741, l’oratorio repose sur un livret de Charles Jennens. Pensée comme un triptyque pascal, l’œuvre raconte les grands épisodes de la vie de Jésus. Près de cinquante ans après sa composition, le baron Gottfried van Swieten demande à Mozart de moderniser la partition pour répondre aux attentes et aux instruments de l’époque. Une vaste fresque hiératique, servie par la direction musicale de Marc Minkowski à la tête de son ensemble Les Musiciens du Louvre, fondé en 1982 et spécialiste de l’interprétation historiquement informée.

Notre critique :

Une mise en scène marquante dans un répertoire rarement scénographié

Bob Wilson demeure fidèle à son vocabulaire onirique et stylisé — cadre structuré, lumière minérale, gestuelle hiératique inspirée du théâtre nō. Chaque tableau se déploie comme une œuvre d’art abstraite, à la fois symbolique et immersive. Et nous plonge dans son univers scénique minimaliste et infiniment mystérieux.

Wilson écarte toute narration chrétienne explicite. Il privilégie une lecture contemplative et mystique, dénuée de toute dimension dogmatique. Les symboles foisonnent : fragments de bois brûlés, ailes d’ange en papier, arbres renversés, icebergs, barque immersive… Pour autant d’images à la portée spirituelle sans être littérales.

Le dramaturge introduit des personnages inattendus — fillette, danseur, épouvantail jaune — qui humanisent subtilement le propos. Le ténor Stanislas de Barbeyrac, en dandy espiègle, transcende son rôle avec une présence scénique réjouissante.

Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre offrent une lecture riche d’atmosphères, jouant le contraste entre les couleurs boisées de Mozart et la gestuelle visuelle de Wilson.

La distribution vocale sert à merveille le propos de Minkowski et Wilson : équilibre entre pureté formelle et couleurs suggestives. Les moments d’excellence sont emmenés par les solistes capables de s’imposer dans cet univers visuel et poétique très codifié. Le chœur, en osmose parfaite, parvient à maintenir la majesté et la densité nécessaires à cette version « mozartisée » du Messie.

« Le Messie », oratorio contemplatif et non dramatique, est un terrain ardu à mettre en scène. Wilson relève haut la main ce défi porté par cet imaginaire qui n’appartient qu’à lui, s’attachant à une relecture audacieuse, à contre-pied des versions plus psychologisantes, comme celle de Claus Guth.

Elle est une immersion visuelle puissante, une méditation scénique plus qu’un récit. Elle nous emporte par son audace, sa beauté froide onirique et ses touches d’humour inattendues. Une stylisation propre au dramaturge qui exige une disponibilité émotionnelle de la part du spectateur, qui doit se laisser aller à cette invitation unique à un art total, à la fois poétique, minimaliste et profondément symbolique.

Othello ou la passion selon Shakespeare ! sur France 4, le 10 août

Othello" ou la passion selon Shakespeare !
Crédit photos © Jean-Louis Fernandez.

Othello ou la passion selon Shakespeare ! sur France 4, le 10 août à 0h40

Shakespeare analyse avec génie l’humain dans sa dimension intemporelle et universelle.

Complexes, équivoques et ambigus, tout en clairs-obscurs et en contrastes, ses personnages de théâtre et quel théâtre ! laissent deviner, dans le conflit entre raison et passion, monstruosité et angélisme, sublime et grotesque, toute l’ambivalence d’une humanité protéiforme.

Après Le roi Lear qu’il avait monté au festival d’Avignon il y a 15 ans, Jean-François Sivadier revient à Shakespeare avec Othello et nous offre un grand moment de théâtre.

La pièce emblématique du dramaturge anglais nous embarque dans les aventures d’un homme d’honneur, le Maure de Venise, qui après avoir offert sa confiance au plus fourbe des êtres, Iago, finira par sombrer dans la barbarie.

Othello raconte comment un homme (Le Maure), poussé par un autre (Iago) qui incarne l’essence du mal par excellence, finit par tuer sa femme. Cette pièce universelle se montre terriblement ravageuse sur la condition humaine. C’est une œuvre beaucoup moins épique que les autres, poisseuse et très grinçante, qui se concentre sur la violence des rapports humains.

Une tragédie donc qui sous le regard décalé de Jean-François Sivadier, tire allègrement vers la comédie pour mieux en révéler toute sa noirceur et sa cruauté, où les enjeux de pouvoirs, les jeux de masque et de manipulation à tous les étages sont portés à leur paroxysme.

Une mise en scène endiablée et de haut vol

Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte devient ici matière contemporaine, où s’explorent à l’envi le vice et la vertu des protagonistes. Le tout dans un rythme d’enfer à l’abri d’apartés, de ruptures sarcastiques, d’excursions en wolof ou en italien, d’improvisations bouffonnes sur une bande-son très seventies (Dalida, Freddie Mercury, John Lennon…) sans oublier les références au Joker de Batman ou encore à une séance de psychanalyse et des adresses faites au public.

On y porte le verbe haut et le geste ample dans cette mise en scène pétrie d’intelligence, laissant toute leur place aux comédiens et à leur jeu décalé dans le pur esprit shakespearien.

La pièce met à nu le processus d’humiliation sociale et d’emprise où dès les premières scènes la confusion règne dans les ruelles de Venise. Où l’amour d’un noir pour une femme blanche doit affronter un père dévasté, un amant éconduit et un officier en mal de reconnaissance.

Incarnation du mal absolu qui voit la supercherie se fomenter avant de s’accomplir, Iago est un prédateur constituant le personnage central avec et par qui la tragédie se déploie. Traitre et manipulateur, à l’abri d’une théâtralité poussée à son zénith, Nicolas Bouchaud (époustouflant) très physique, campe un personnage malfaisant aussi diabolique que primaire, investi de tout son être dans l’exécution machiavélique de son plan d’action.

Sous le feu de son poison, Othello est progressivement contaminé où dévoré par le doute, il réagit irrationnellement en projetant sur lui ce que les autres attendaient, l’image d’une bête immonde.

Dans une approche solaire et crépusculaire du verbe, Adama Diop (Othello) prend les traits avec brio d’un héros d’aujourd’hui à la fois conquérant, amoureux, puis rongé par le doute et dont la résonance renvoie à cette ère du soupçon et son implacable emprise sur les esprits. Bravo !

Date : 10 août 2025 sur France 4 à 0h40
 Mise en scène : Jean-François Sivadier

Couteaux affûtés, esprits aussi : Julien Lefebvre relance la partie

Couteaux affûtés, esprits aussi : Julien Lefebvre relance la partie
L’heure des assassins – Mise en scène Elie Rapp, Ludovic Laroche (© Stéphane Audran)

Couteaux affûtés, esprits aussi : Julien Lefebvre relance la partie

L’assassinat — ce vieux sport d’intérieur que la littérature anglaise a su élever au rang d’art dramatique — revient, sous les traits ciselés de Julien Lefebvre, hanter les planches d’un théâtre victorien aussi feutré qu’assourdissant de mystères.

Avec « L’Heure des Assassins », l’auteur poursuit, avec la précision méthodique d’un horloger suisse, sa trilogie dédiée aux écrivains-enquêteurs — Conan Doyle, Bram Stoker et ce cher Bernard Shaw, réunis non par l’absinthe mais par le crime.

Une troupe au taquet

Le texte est une mécanique bien huilée : jeux de mots so british, faux-semblants qui se multiplient, et intrigue rythmée.

Julien Lefebvre s’amuse à convoquer les figures de l’âge d’or du roman policier non pour les flatter, mais pour les piéger dans leur propre mythe. On ne regarde pas « L’Heure des Assassins » : on y participe, malgré soi, comme on participe à une partie de Cluedo dont on serait suspect, témoin et lecteur à la fois.

Le théâtre ici n’est pas seulement l’endroit du spectacle : il est l’arme du crime. On y assassine à coups de mots, de soupçons, de doubles fonds. Le rideau se lève, mais la vérité, elle, tarde à tomber. Et c’est tant mieux.

Les comédiens, au diapason, incarnent avec jubilation leurs personnages. Ludovic Laroche brille comme un Conan Doyle imperturbable, observateur et méthodique. Jérôme Paquatte et Nicolas Saint Georges, en Stoker et Shaw, composent un duo de rivaux littéraires aux tempéraments opposés mais complémentaires

Stéphanie Bassibey campe Katherin/Soeur Belgrave avec beaucoup de présence : sa soprano théâtrale et son humour pince sans rire font mouche à chaque réplique. Ninon Lavalou (Miss Lime) est excellente en fausse ingénue qui révèle progressivement une intelligence subtile et un assurance à toute épreuve. Quant à Pierre Arnaud Juin, son Hartford ambivalent est à la fois loyal et inquiétant, en parfait ressort dramatique.

 Dates : du 18 juin 2025 au 18 janvier 2026 – Lieu : Comédie de Paris (Paris)
Mise en scène : Elie Rapp et Ludovic Laroche

Bob Wilson, l’architecte de l’épure s’est éteint – Hommage à un sculpteur d’images, de sensations, de silence et de lumière

Bob Wilson, l’architecte de l’épure s’est éteint – Hommage à un sculpteur d’images, de sensation, de silence et de lumière
Bob Wilson Photo DR

Bob Wilson, l’architecte de l’épure s’est éteint – Hommage à un sculpteur d’images, de sensations, de silence et de lumière

Bob Wilson est mort le 31 juillet 2025. L’annonce résonne comme un coup de tonnerre feutré dans le ciel de la scène contemporaine. L’Américain au regard d’architecte, aux gestes millimétrés, aux silences qui parlent plus que les mots, s’en est allé, laissant derrière lui une œuvre qui défie le temps, la narration linéaire, la logique même du spectacle.

Nous l’avons vu modeler la scène comme d’autres taillent la pierre : avec précision, patience, et une obsession quasi mystique du détail. À l’opéra comme au théâtre, Wilson ne racontait pas, il convoquait son propre vocabulaire.

Il faisait apparaître des visions, des états, des rêves, des fantômes du sensible et immortalisait la sensation. Il fallait accepter de lâcher prise, de ne pas comprendre au sens classique, mais de ressentir, d’absorber la beauté comme une lumière traversant un vitrail.

L’homme du temps étiré

Dans ses mises en scène – Nous pensons à « Einstein on the Beach » avec Glass, à son « Woyzeck » en clair-obscur, ou encore à ses relectures quasi shintoïstes des tragédies grecques –, Wilson ralentissait le monde. Il suspendait le temps. Ses spectacles étaient des méditations visuelles, des toiles mouvantes où le geste comptait plus que le verbe, où la lumière sculptait l’émotion, où le visible était autre et un imaginaire qui emportait tout.

Quand d’autres metteurs en scène convoquent le chaos, lui invoquait le rituel. Tout était codé, décalé, comme vu à travers un rêve au ralenti. Le corps de l’acteur devenait pictogramme.

La voix, chant spectral. Nous avons encore en mémoire la lenteur hypnotique de ses personnages, ce temps dilaté qui immobilise, façonne, puis fascine. Wilson obligeait le spectateur à réapprendre à regarder.

Un théâtre de la sensation

Il travaillait à même les fibres sensibles du spectateur, comme une musique qui se glisse dans le sang. Il aimait la beauté frontale, sans justification, sans psychologie. Ses spectacles étaient des objets d’art, des sculptures habitées de lumière et de sons, où les mots devenaient un élément simplement parmi d’autres.

Nous nous souvenons, entre autres, d’un « Orlando » flamboyant, d’un « Turandot » fascinant, d’une « Madame Butterfly » incandescente, d’un « Œdipe » dont la tragédie sourdait des ombres, d’un « Krapp’s Last Tape » silencieusement bouleversant. Wilson ne captait pas le réel, il traquait l’invisible.

Un legs hors du temps

Avec lui disparaît une certaine idée de la scène comme lieu sacré. Pas au sens religieux, mais au sens d’un espace où tout doit être signifiant car dans son inspiration chaque geste, chaque silence, chaque variation d’intensité lumineuse, portait en elle-même une charge émotionnelle, un mystère, une esthétique et un art total.

Il laisse une trace indélébile dans l’histoire du théâtre et de l’opéra. Et pourtant, il était de ceux que les archives trahissent. On ne filme pas Wilson. On ne le résume pas. On le vit, ou on le manque.

Bob Wilson n’était pas seulement un metteur en scène. Il était un plasticien du temps. Un alchimiste du geste. Un voyageur entre les mondes.

Et aujourd’hui, alors que le rideau tombe pour la dernière fois sur sa silhouette élégante, il nous reste ses visions suspendues, ses clairs-obscurs sidérants, et ce silence intense qui suivait toujours la fin de ses spectacles. Ce silence-là, plus parlant que mille applaudissements. Ce geste unique, à la résonance infiniment et à jamais puissante.

Une BD comme un bon sucré pour les fans de Macca avec Paul aux éditions Casterman

Les éditions Casterman font plaisir avec un joyau écrit et dessiné par Hervé Bourhis. La BD débute entre 1969 et 1970, l’ambiance chez les Beatles est délétère. Georges, John et Ringo décident de s’adjoindre les services d’Allan Klein, escroc notoire, ce que Paul refuse. Alors que l’album Let it be est sur le point de sortir, il tombe en dépression et décide de prendre la tangente, direction l’Ecosse et la résurrection. Une rumeur le prétendait mort depuis 1966, il joue le jeu et finit par remonter la pente avec un premier album sorti en même temps que Let it be. Dans un dessin entre l’hyperréalisme et le style comics, Hervé Bourhis raconte une histoire passionnante. Les premiers albums décriés par la critique, le nouveau groupe nommé Wings, les premiers concerts joués dans des petites universités dans une ambiance proche de la dèche, et puis le décollage avec l’album Band on the run avec un enregistrement rocambolesque à Lagos au Nigéria. Tout est raconté avec moult détails, il faut le lire pour un vrai voyage spatiotemporel mené tambour battant. Les fans seront subjugués, les autres trouveront une histoire passionnante, dessinée avec talent et racontée avec rythme. Les anecdotes se multiplient, de quoi dévoiler une nouvelle facette du talent infini du bonhomme qui, avec femme et enfants, a perpétué l’héritage musical des scarabées dans une toute nouvelle direction. La BD est juste immanquable.

Editeur: Casterman

Auteurs: Hervé Bourhis

Nombre de pages / Prix: 88 pages / 20 euros

Synopsis: La réinvention d’un génie de la pop.

1969. « J’étais un demi-dieu, aujourd’hui je suis un chômeur. »   Paul McCartney fait ce constat amer après la séparation des Beatles. Tandis que John Lennon fait la couverture du Time, Paul devient le méchant de l’histoire.  Sans groupe, sans argent, détesté de tous, il trouve néanmoins la force de se reconstruire grâce à l’amour de sa femme Linda, de ses filles et de ses amis fidèles. 

Un bijou graphique d’Hervé Bourhis, pop et mélancolique, comme une bonne chanson du grand Paul.

J’aime la mode ! (Glénat jeunesse)

J’aime la mode ! (Glénat jeunesse)

Les éditions Glénat jeunesse nous proposent un très bel album jeunesse, documentaire sur la thème de la mode : J’aime la mode ! Et ce sera mon métier…
Le jeune lecteur va découvrir tous les métiers qui tournent autour de la mode. 50 métiers de la mode sont à découvrir avec 50 volets à ouvrir pour en savoir toujours plus !

Différents chapitres sont proposés : Des paillettes dans la tête, De fil en aiguille, Un peu de shopping, Sous le feu des projecteurs, La mode tout autour de toi, Séance cocooning, Des métiers hyper stylés…

Rien ne vous échappera sur le milieu de la mode et ses multiples possibilités !

Les illustrations sont rigolotes, et les explications des différents métiers sont très claires et très intéressantes.

J’aime la mode est un très chouette album, entièrement cartonné, grand format, à offrir aux garçons comme aux filles ! Un album documentaire intelligent et pédagogique !

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Infos de l’éditeur :

Date de parution : Juin 2025
Auteur : Jamie Collins
Illustrateur : Josh Cleland
Editeur : Glénat Jeunesse
Prix : 13,90 €

Les secrets de la jungle (Glénat Jeunesse)

Les secrets de la jungle (Glénat Jeunesse)

Publik’Art vous a déjà fait découvrir cette nouvelle collection de documentaires pour tout-petits, aux éditions Glénat Jeunesse, avec l’album : Les vagues de l’océan.
Aujourd’hui, nous allons découvrir : Les secrets de la jungle.

C’est un album destiné aux tout-petits centré sur les différents animaux de la jungle, ainsi que sur la faune luxuriante de la jungle. Il est superbe !
Les pages sont découpées en forme de vagues, ce qui permet au jeune lecteur de tourner facilement les pages.
Les secrets de la jungle est un très bel album documentaire à offrir à nos tout-petits !

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Infos de l’éditeur :

Date de parution : Juin 2025
Auteur : Natasha Durley
Illustrateur : Natasha Durley
Editeur : Glénat Jeunesse
Prix : 10,90 €

Un seul en scène fascinant avec 24 heures de la vie d’une femme au Lucernaire

Le Lucernaire a remis à l’affiche la pièce 24 heures de la vie d’une femme déjà jouée avec un énorme succès public et critique en 2024. Ce classique écrit par Stefan Zweig et publié en 1927 a été lu par des générations d’adolescent fascinés par cette histoire de rédemption impossible. Quand une femme d’âge mûr se met en tête de sauver un jeune flambeur de l’addiction au jeu, il y a un espoir universel, sauver un humain de l’addiction, c’est le rôle d’un saint ou d’une sainte. Elle a vécu, son mari est décédé, elle est rangée et pourtant ses élans la poussent au Casino de Monte-Carlo où elle rencontre ce jeune polonais perdu dans ses désirs de jeu. Sans savoir pourquoi, elle lui propose de l’argent pour la pousser à quitter ce lieu de perdition. L’heure de spectacle est hypnotisante, Anne Martinet est seule en scène, elle déclame le texte de Stefan Zweig avec passion et conviction, elle s’implique totalement, l’audience comprend qu’elle joue parfaitement en se mettant totalement en scène. La mise en scène de Juan Crespillo lui laisse toute la place, rien ne perturbe son apparition. La déclamation est impeccable, elle subjugue le public. La dernière interprétation de la saison fut un franc succès, justement salué par un public enthousiaste.

Synopsis: LE RÉCIT D’UNE PASSION FOUDROYANTE

Le récit d’une passion foudroyante où soudain le destin d’un être bascule dans une aventure intense. 24 heures, une seule journée, toute une vie…
Madame C, aristocrate écossaise, veuve et un peu désœuvrée, tombe par hasard lors d’une soirée au casino de Monte-Carlo sur un joueur dont l’allure et l’expressivité du comportement la fascinent.
Cette étrange rencontre ne durera que vingt-quatre heures qui bouleverseront sa vie pendant des années… son récit lui permettra de se libérer enfin de son passé.
Une femme qui décide de tout tenter pour sauver un homme perdu, entraînée presque malgré elle dans un tourbillon de passion.

Machines, Nanas et utopies : le trio qui voulait changer la vie

Machines, Nanas et utopies : le trio qui voulait changer la vie
Niki de Saint Phalle, Photo repeinte de « Hon », 1979. Niki Charitable Art Foundation, Santee, Californie (© 2025 Niki Charitable Art Foundation / Adagp, Paris)

Machines, Nanas et utopies : le trio qui voulait changer la vie

Rarement une exposition aura su recréer avec autant de justesse l’intensité organique d’une complicité artistique. En réunissant Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten, le Grand Palais propose une lecture dynamique et cohérente d’une époque où la frontière entre l’œuvre, la vie et le jeu s’effaçait méthodiquement.

Le fil conducteur ? Une alchimie entre trois figures majeures de l’avant-garde européenne des années 1960-70. Le couple Niki de Saint Phalle / Jean Tinguely, fusion créative et affective, est ici restitué dans un triangle élargi grâce à Pontus Hulten — commissaire, théoricien et médiateur majeur de l’art contemporain européen, souvent resté dans l’ombre de ses collaborateurs plus médiatisés.

Des œuvres en tension permanente

L’exposition commence par poser les jalons de cette collaboration féconde, à travers les « Machines » de Tinguely : œuvres absurdes et grinçantes, oscillant entre la sculpture cinétique et le commentaire politique.

Le visiteur est confronté d’emblée à un art du mouvement stérile, auto-destructif, qui moque la logique productiviste. Ces objets mécaniques sont des métaphores grinçantes de l’ère industrielle — jubilatoires, certes, mais fondamentalement critiques.

Puis vient le choc Niki. L’espace change de densité. Aux bruits secs des moteurs succèdent les éclats de couleur, les formes exubérantes des Nanas : figures féminines totémiques, puissantes, hyperboliques.

Niki de Saint Phalle impose un vocabulaire visuel où la féminité n’est pas une posture, mais une conquête. Plus encore, ses performances fondatrices — notamment les Tirs, où elle vise des sachets de peinture dissimulés dans des assemblages de plâtre — viennent redéfinir le geste pictural comme acte politique.

Entre les deux artistes, le dialogue est constant : elle canalise la rage, il l’orchestre ; elle peint avec violence, il construit avec dérision. Leurs œuvres communes — dont des fragments de la Fontaine Stravinsky ou de La Hon – une cathédrale (1966) — illustrent cette symbiose.

Le troisième homme, Pontus Hulten, occupe ici une place plus conceptuelle mais décisive. Sans lui, ces œuvres seraient restées peut-être des projets marginaux. Il a permis leur circulation, leur exposition, leur mise en récit.

On lui doit la création du Moderna Museet à Stockholm, la co-création du Centre Pompidou, et plus largement une politique de l’art vivant, transdisciplinaire et expérimentale. L’exposition rend hommage à ce rôle avec finesse, à travers archives, maquettes, correspondances et dispositifs scénographiques audacieux.

La scénographie du Grand Palais parvient à recréer un environnement immersif sans tomber dans le spectaculaire gratuit. Les machines de Tinguely tournent réellement. Les vidéos de performances ne sont pas figées comme des reliques, mais intégrées dans le parcours avec fluidité. Le commissariat assume le désordre inhérent à cette œuvre collective, sans céder au chaos.

 Dates : du 26 juin 2025 au 04 janvier 2026 – Lieu : Grand Palais (Paris)

2 cuvées exceptionnelles de la Cave de Rasteau (Rhonéa) à déguster

La Cave de Rasteau connait une année 2025 exceptionnelle avec la célébration de son centième anniversaire. Les quelques vignerons visionnaires à l’origine de cette maison ne reconnaitraient pas leur descendance avec aujourd’hui 90 familles et près de 80 % de la production de l’appellation Rasteau. 2 cuvées emblématiques sont testées aujourd’hui, ce qui révèle la richesse des terroirs du cru: marnes bleues, argiles profondes, cailloutis anciens, travaillés en parcellaire et façonnés par l’altitude, la lumière et le mistral.

Les Hauts du Village – Nos Parcellaires , AOC Rasteau rouge, 2022 (15,90 € la bouteille)

Les Hauts du Village est un vin rouge issu de sélections parcellaires de Rasteau. Le vin est un assemblage de cépages Grenache noir (60%), Syrah (30%) et Mourvèdre (10%), le résultat est un vin méridional à la fois solaire et raffiné. A la dégustation, le nez est riche avec des arômes de fruits noirs comme la griotte et le cassis, de vanille et d’épices. La bouche est ronde et les tanins sont bien fondus. L’ensemble est long et équilibré. Le vin se déguste idéalement avec des viandes rouges grillées ou rôties, des plats en sauce, des fromages affinés et des desserts au chocolat noir. Le vin est Bien ouvert, une belle expérience à tenter avec des plats bien adaptés à ce vin gourmand.

AOC Vin doux Naturel Rasteau Blanc (15,80€ la bouteille)

Ce vin doux naturel ambré est considéré comme l’autre cru de Rasteau classé en AOC en 1944. Issus d’un mutage à l’alcool en cours de fermentation, les vins doux naturel (VDN) conservent une partie des sucres naturels du raisin. L’élevage est long pour dévoiler une belle palette aromatique riche et chaleureuse avec des touches de fruits secs, de l’abricot rôti, du miel, de l’écorce d’orange et du rancio noble. Ce vins d’émotion se déguste idéalement avec du fromage à pâte persillée, un dessert aux fruits secs ou au chocolat, mais aussi en apéritif ou en digestif comme alternative élégante à des spiritueux avec une titration alcoolique plus modérée. Il se se conserve plus de 10 ans pour une vraie expérience à ne pas manquer, toujours avec modération.

Publireportage:

« Le terroir est le patrimoine génétique des grands vins. Mais c’est la rigueur et l’obstination d’hommes & de femmes passionnés qui savent en sublimer l’essence… La haute couture du vin ! Au cœur de nos 2.000ha de vignes se trouvent des pépites. Des parcelles de vignes tellement remarquables par la qualité de leurs sols, de leurs cépages ou de leur orientation que nous avons choisi de les isoler pour créer des cuvées d’exception qui exprimeront au mieux la spécificité de leur terroir.

Bo et Ma, Grand dimanche, petits oublis (Casterman)

Bo et Ma, Grand dimanche, petits oublis (Casterman)

Les éditions Casterman nous proposent un album très touchant : Bo et Ma, Grand dimanche, petits oublis.

C’est l’histoire d’un petit garçon Bo et de grand-mère, Ma. Ma a quelques problèmes de mémoire alors, Bo lui vient souvent en aide… Que ce soit le matin, l’après-midi ou le soir !

Une tendre complicité se noue entre Bo et Ma ! Le livre peut même se lire tout seul, tellement les illustrations sont parlantes et ravissantes.

Bo et Ma, Grand dimanche, petits oublis est un charmant album à lire pendant les vacances, et même à tout moment de l’année, avec sa grand-mère !

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Infos de l’éditeur :

Date de parution : Juin 2025
Auteur : Henri Meunier
Illustrateur : Nathalie Choux
Editeur : Casterman
Prix : 13,95 €

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