La meuf en paillettes, je suis née d’un don de sperme (Editions du Rocher)
Laure Barrière nous livre un roman graphique complètement autobiographique : La meuf en paillettes, je suis née d’un don de sperme. L’auteure utilise le dessin pour raconter ce qu’elle a découvert à l’âge de 34 ans. Sa mère lui a, enfin, dévoilé, un secret de famille, qui date d’avant même sa naissance. Puisque Laure apprend que son père biologique n’est pas l’homme qui l’a élevée et aimée. Idem pour un de ses frères. Seul son frère ainé est le fils du papa. Hélas, le papa de Laure est décédé et ne pourra répondre à aucune de ses questions. Il est devenu stérile suite à des soins de son cancer. Les parents de Laure ont donc eu recours à un don de gamètes pour pouvoir avoir à nouveau un enfant. Mais à l’époque, tout le monde leur avait dit qu’il ne fallait rien dire, à personne. Du coup, c’est vraiment très difficile pour Laure, à 34 ans de découvrir cette vérité et de ne pas pouvoir en parler avec son père. Les illustrations sont vraiment incroyables et traduisent tellement l’état d’esprit dans lequel se trouve Laure. Ce roman graphique va certainement conforter nombre de personnes touchées par ce problème, et même les autres qui ne sont pas directement concernées ! Car c’est un problème de société. Secret, pas secret ? Connaître son géniteur ou pas ? La meuf en paillettes, je suis née d’un don de sperme est un chouette roman graphique qui explique les sentiments que l’on peut ressentir face à une situation bouleversante. L’auteure aborde un sujet fondamental qui nous concerne tous ! Il sort aujourd’hui !
Imaginez une joute intime, où la journaliste n’emballe pas les faits dans des superlatifs forcenés, mais les sert avec la netteté d’un scalpel — tout en décochant des gags qui font mouche. Un humour grinçant, ironique, très calibré journalistiquement, qui nous fait rire avant de nous laisser bouche bée devant la gravité du propos.
C’est un peu comme rire de ses angoisses existentielles dans le métro-boulot-dodo. Cet équilibre précis entre comique et sérieux est la grande force du spectacle intitulé « Ceci n’est pas une religion ».
Une hilarité coup de poing
Courir après le sens à 25 ans, claquer la porte d’un job L’Oréal confortable, sombrer dans une petite dépression, animer un blog tendre et formidablement malin – « Mon amie chômeuse » – avant de basculer dans un journalisme d’enquête percutant : tout cela, Élodie Emery nous le raconte sans filtre, toujours sur le fil, et sans effets de manche.
Cette transparence personnelle fonctionne comme un fil rouge doux-amer, qui nous tient en haleine, nous accroche et nous rend complice.
Mais ne nous y trompons pas : derrière ce seul-en-scène du réel facétieux, se cache une enquête de dix ans, précise, terrible, parfois glaçante.
Du stage chamanique au Gers, en passant par le câlin d’Amma, jusqu’au Lérab Ling et son univers feutré — là où les apparences se fissurent, et les violences — sexuelles, institutionnelles — se rendent visibles.
Si le bouddhisme occidental se pare de bienveillance et de sérénité, le spectacle d’Élodie Emery, lui, montre ce que notre imaginaire oublie souvent : le côté obscur d’une foi devenue business.
La mise en scène est minimaliste : un pupitre, des notes, un écran de projections. Un dispositif sans fard en apparence, mais redoutablement efficace et qui frappe juste.
Vidéos, sons et images nourrissent le propos comme des indices distillés dans une enquête. On rit, on apprend, on frissonne — sans jamais se noyer.
Le jeu scénique d’Élodie Emery oscille entre authenticité touchante et rigueur journalistique. Non-actrice mais pleinement sur scène, elle assume cette ambivalence qui loin de desservir le propos, l’irise d’un ton percutant et toujours franc.
Dates : du 9 au 13 septembre 2025 – Lieu : La Villette (Paris) Mise en scène : Sonia Desprez, Florence Martin-Kessler, India Bouquerel
Après avoir fait preuve de son savoir faire dans le cognac comme le montrent les nombreux articles publiés sur Publik’Art (collection VSOP édition limitée Nouvel an chinois, ABK6 Cognac), ABK6 a frappé un grand coup en achetant 320 hectares de vignes en mai 2025 à Sauveterre-de-Guyenne en Gironde. Cette opération à contre-courant de la tendance actuelle marquée par la crise et les plans d’arrachage fait rentrer le nouvel acteur dans le top 10 des principaux propriétaires du département. L’objectif de production de vins blancs, rouges et de bulles se matérialise avec 5 premières cuvées adressées pour dégustation. À 72 ans, Francis Abécassis a toujours de l’ambition et l’envie de bien faire avec son appellation ABK6 Family Estate Wines..
Un vin blanc d’une belle fraicheur: Bordeaux Blanc 2024
Bordeaux Blanc ABK6 Family Estate 2024 est un vin blanc assemblé avec 5 cépages différents, Sauvignon Blanc (76 %), Sémillon (12 %), Colombard (7 %), Sauvignon Gris (3 %) et Muscadelle (2 %). A l’œil, le vin se distingue par sa robe jaune pâle. Le nez est complexe, avec des arômes très présents d’agrumes et de fruits exotiques. En bouche, le vin est d’une belle élégance, avec de la rondeur et une finale ample. Proposé au tarif de 14 euros, ce vin blanc à la fraicheur intense se déguste idéalement en apéritif, avec des fruits de mer, avec des poissons grillés ou de la cuisine végétale.
Un vin rouge convivial: Rouge de France
ABK6 Domaine Familial Rouge de France se révèle être un vin rouge flamboyant. A l’œil, le vin composé de cépage Merlot arbore une belle robe grenat brillante aux reflets pourpres. Le nez est fruité et la bouche fait ressentir des arômes de fruits rouges comme la framboise, la cerise et la groseille. Le vin rouge est léger (11,5% de volume d’alcool) et convivial, la bouche est souple et gourmande avec un bel équilibre. Au tarif de 9,90 euros la bouteille, le vin se déguste idéalement avec des grillades, des tapas, des viandes blanches ou des plats méditerranéens.
Un vin blanc raffiné et chic: Vin de France 2024 blanc
ABK6 Family Estate Vin de France est un vin blanc assemblé de 80 % de merlot (rouge) vinifié en blanc avec des cépages blancs comme le sémillon, le sauvignon gris, le colombard et la muscadelle. L’impression de déguster un Blanc de Noir ou un Blanc de Blanc est saisissante. Le vin blanc est sec avec une belle fraîcheur. A l’œil, la robe est jaune pâle. Le nez est vif avec des notes exotiques. En bouche, le vin montre un bel équilibre entre fraicheur et acidité avec une finale riche en arôme, le vin parfait pour un apéritif chic, avec tapas, fruits de mer et cuisine fusion. Proposé au tarif de 10,50 euros la bouteille, le vin apporte une touche de raffinement et de surprise.
Un vin rouge moderne: Merlot Bordeaux
ABK6 Family Estate Merlot Bordeaux est un vin rouge de caractère. Composé de cépage Merlot uniquement, le vin arbore à l’œil une robe rubis brillante aux reflets violacés. Le nez arbore des arômes fruités. En bouche, le vin dévoile des notes de fruits rouges frais (cerise, fraise et groseille) qui se marient à des tanins fins et légers avec une pointe d’acidité. La finale est fraiche. Le vin s’accorde parfaitement avec des tapas à l’apéritif ou avec un déjeuner estival composé de grillades et de légumes. Proposé au tarif de 12 euros, le vin allie gourmandise et modernité.
Des bulles élégantes avec Francis Abecassis Les Bulles Brut Prestige Méthode Traditionnelle
Composé uniquement de cépage Ugni Blanc cultivé sur les propres vignes en Charente d’ABK6, la collection ABK6 Les Bulles se révèle d’une grande élégance avec une belle finesse. A l’œil, les bulles sont éclatantes. Au nez, des arômes frais de pomme verte et de raisin blanc se distinguent et en bouche, des notes d’agrumes aboutissent à une finale franche et rafraichissante. Proposé au tarif de 13,50 euros la bouteille, ce vin méthode traditionnelle est une très belle alternative au champagne, parfait pour sublimer un apéritif ou une occasion spéciale. avec des huitres par exemple.
Publireportage:
Après avoir révélé la modernité du Cognac, ABK6 se lance dans une nouvelle aventure : les vins de Bordeaux. Propriétaires et producteurs, nous cultivons nos propres vignes et supervisons chaque étape, de la vigne au verre. Notre vision ? Rester fidèle à notre terroir tout en y apportant une énergie moderne et audacieuse. Réputée pour son approche innovante et disruptive de la production de cognac, la marque ABK6 propose désormais des vins frais, fruités et élégants, élaborés avec des techniques de vinification contemporaines, présentés dans un design moderne et fidèles à l’esprit ABK6 : libre, accessible et exigeant. ABK6 propose ainsi deux cuvées innovantes et réussies, élaborées avec le soutien du laboratoire d’œnologie de ROLLAND & Associés et les soins attentifs d’Adeline Magère, œnologue d’ABK6. Cette diversification élargit non seulement la gamme de productions de la maison, mais reflète également une volonté affirmée de découvrir et de mettre en valeur le riche patrimoine viticole français. Situé sur 126 hectares sur la commune de Sauveterre-de-Guyenne, notre vignoble ABK6 Family Estate bénéficie d’un terroir unique, emblématique du Bordelais. Niché dans un climat océanique tempéré, il repose sur des sols argilo-calcaires et graveleux, véritables alliés pour révéler l’expression complexe et équilibrée de nos cépages. Avec une densité de plantation comprise entre 3 600 et 5 500 pieds par hectare et un rendement volontairement limité, nous cultivons nos vignes avec exigence, respectant à la fois la qualité et la vie. Ce terroir riche et authentique est à la base de nos vins de caractère, fidèles à l’esprit ABK6.
« Une heure à t’attendre » ou une rencontre qui défie les codes
À première vue, « Une heure à t’attendre » raconte l’histoire banale d’un mari et d’un amant qui attendent une femme. Mais cette simplicité est pour le moins trompeuse. Car sous la plume de Sylvain Meyniac, le dispositif se transforme rapidement en une tragi-comédie aussi ambiguë que subtile. Pour un huis clos à la fois sensible et inattendu.
Deux hommes donc attendent volontairement la même femme qui, bien que n’apparaissant jamais est partout : dans leurs piques, dans leurs souvenirs, dans leur façon de se jauger et de s’envisager.
L’attente devient alors une épreuve de vérité, une plongée dans l’ambiguïté des rapports humains où le mari et l’amant en se découvrant – l’un à travers l’autre – deviennent complices dans leur reconnaissance réciproque, et au cœur même d’un dilemme amoureux.
Sylvain Meyniac orchestre un duel de haute précision. Où chaque réplique est un coup sur l’échiquier, chaque silence, une anticipation. L’amant est là, mais sa présence devient paradoxalement un atout : elle nourrit la patience du mari, lui permet de mesurer son amour et de l’observer sans jugement.
Une mécanique parfaite
Le dramaturge aime les temporalités décalées, les chronologies déplacées comme autant de miroirs déformants. Ici, l’attente agit comme un sablier inversé : ce qui s’y écoule n’est pas le temps perdu, mais les possibles envisagés, les destinées suspendues.
La pièce se met à tisser des contradictions : comédie qui rit de petites maladresses humaines mais qui frôle aussi le vertige métaphysique de destins ignorés et susceptibles de se recouper et de se challenger.
Le spectateur assiste à un jeu d’équilibriste, un miroir d’ombres, où le suspense ne réside pas dans l’action mais dans la psychologie des personnages et la révélation sous-jacente de leur vérité la plus extrême.
Le texte d’une mécanique bien huilée, déjoue les situations attendues. Il brille par ses moments de drôlerie et de cynisme, où le langage devient une lecture de l’intime, des rivalités. Un instrument à la fois de séduction et de pouvoir. Les échanges sont rugueux, passionnés, mais toujours intelligents et profonds.
La femme absente n’est pas un simple prétexte : elle est la mesure de tout ce qui se joue. Elle fait émerger les qualités, les faiblesses et la sensibilité de chacun. L’absence devient présence absolue : elle transforme le huis clos en laboratoire émotionnel et psychologique. Les deux hommes, en parlant d’elle et entre eux, explorent autant leur propre humanité, leur frustration, que l’amour lui-même.
Un duo de haut vol
Et dans cette traversée, les deux comédiens sont d’une complicité époustouflante. Nicolas Vaude, d’une présence faite d’ironie tendre, de gestes suspendus et d’expressions tout en demi-teinte, campe un personnage volontiers intérieur, dont la réserve masque une profondeur fragile, une fêlure qui se découvre au fil de l’introspection.
Une interprétation marquée par une intelligence du décalage où chaque pause, chaque mot semble pensé, retenu, puis livré avec une parcimonie qui fait surgir l’émotion à contretemps.
Face à lui Thierry Frémont, plus frontal mais non moins vulnérable, frappe fort par son jeu d’une sobriété habitée, éclairée de brusques reprises d’intensité. Il fait vibrer une sorte de calme inquiet, révélant sous une apparente simplicité la complexité d’un homme aux prises avec ses contradictions et ses doutes.
La confrontation ne tourne jamais au duel stérile : elle devient caisse de résonance, chaque acteur faisant briller le personnage de l’autre par leur différence, et l’un comme l’autre incarne sans faux-semblant la vulnérabilité masculine, l’ambivalence, et le sentiment amoureux. Là où les rôles assignés trouvent aussi à s’inverser et à créer le trouble.
Dates : du 4 septembre au 5 octobre 2025 – Lieu : Théâtre de l’Oeuvre (Paris) Mise en scène : Delphine de Malherbe
Le film De mauvaise foi est tiré du roman Les Pieuses Combines de Réginald écrit par Thomas Hervouët. Le résultat est amusant avec un déroulé réaliste et décalé à la fois dans une histoire qui s’inspire des comédies légères à la Louis de Funès.
Une comédie satirique qui fait mouche
En toile de fond, le film vise le ton de la comédie humaine avec une belle sincérité et des sentiments sur les hommes et leur attrait pour la religion avec une mise à l’épreuve constante. Des sentiments plutôt ambivalents comme la cupidité et le machiavélisme se mélangent à l’identité religieuse, l’amour ou le coup de foudre . Si la bande annonce laissait entrevoir un film très proche du ton habituel pas forcément drôle de la comédie française actuelle. Certains ont fait un rapprochement avec une comédie à la tonalité assez proche, Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu?, mais le résultat est finalement assez fin, et drôle. Les acteurs et actrices Pascal Demolon, Philippe Duquesne, Herrade Von Meir et Philippe Lafarge livrent des prestations drôles dans des situations comiques qui fonctionnent, eux qu’on ne voit pas tous les jours au cinéma. Le film est drôle, parfait pour les familles, la comédie est rafraichissante avec ces jeunes gens qui se cherchent dans un triangle amoureux, des parents inquiets par ce château délabré sur leurs bras. Ils partent tous ensemble en pèlerinage à Paray le Monial, pour un résultat aux situations savoureuses et cocasses, et même tendres. ne pouvait donner lieu qu’à des situations cocasses mais aussi très tendres.
Le film laisse le spectateur avec un sourire ravi sur les lèvres et le cœur léger. C’est agréable par les temps qui courent.
Synopsis:
Un notaire vieille France doit impérativement sauver son château délabré et empêcher le mariage de sa fille avec un golden boy prétentieux. La fortune promise par une comtesse mourante à un jeune artiste bohème, pourrait régler tous ses problèmes. À condition que le futur héritier devienne un bon catholique, et tombe amoureux de la jolie fiancée.
Les éditions Glénat Jeunesse nous propose un chouette album jeunesse, joliment illustré (on adore !), centré sur la lecture : Tu lis quand ? Léo, Enzo, Mélisande, Lili, Antonin, Lilian, Garance, Suzie, Tarek, tous vont nous dire quand ils trouvent le temps de lire, et dans quel endroit ils lisent. Sauf Lili ! Vous ne saurez qu’à la dernière page quand Lili lit ! Et vous, vous lisez quand ? Tu lis quand ? est un album à offrir dès le plus jeune âge ! Album trop rigolo qui donne envie de lire encore et encore et partout !
Le petit livre pour bien grandir avec un trouble Dys (Bayard jeunesse)
Nadège Larcher est psychologue, spécialisée en développement de l’enfant et de l’adolescent. Avec Marie Dormoy, journaliste, elles nous proposent un petit livre qui va sûrement aider beaucoup de parents et d’enfants : Le petit livre pour bien grandir avec un trouble Dys (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysphasie, dysgraphie, TDA/H). Ce livre s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux parents. Aux enfants diagnostiqués ou non. Il faut savoir que les troubles dys concernent 10% de la population française, soit 7 millions de personnes ! Ce petit livre explique très bien les différents symptômes, et apporte des pistes pour mieux vivre avec ces difficultés. Si le handicap est invisible, cela n’empêche pas les personnes atteintes d’avoir réellement besoin d’aide. Les auteurs donnent quelques astuces pour vivre le plus normalement possible. Le petit livre pour bien grandir avec un trouble Dysest un petit livre très précieux et remarquablement bien fait, joliment illustré, avec humour, par Auriane Bui.
En route pour l’école est un petit album souple à mettre entre toutes les petites mains ! Et plus particulièrement pour les tout jeunes élèves qui viennent de faire leur rentrée ! C’est un album, plein d’humour, joliment illustré, qui va donner confiance à tous les petits ! Ils vont savoir comment gérer « Mauvaispoil », « Maladresse », ou « PetitGrand »… Autant de monstres qu’Alfred va mettre dans ses poches en partant à l’école. En route pour l’école est un très chouette album pour tout-petits créé par Casterminouche ! Publik’Art est fan de Casterminouche !
Be My Wife est le pseudonyme de l’artiste argentin Federico Nessi, pseudonyme clairement inspiré du célèbre titre de David Bowie sur son album Low de 1977. Le double EP The Restless Pursuit/ To Deliver a feeling donne un très bon aperçu de ses intentions dans des titres entre ambient, rock et électro dans un fourre-tout très attirant.
Des titres fascinants
Be my Wife / Federico Nessi se définit comme un artiste avant-gardiste. Installé à Paris, il s’abreuve aux sources post punk, rock et électro. Sa musique ne se fige pas dans un seul style, les facettes sont multiples et le résultat est ensorcelant. Le titre Me Cuesta annonçait la sortie de l’EP décortiqué ici, et il était clairement rythmé, addictif et hypnotique. Federico Nessi vient d’Argentine et plus précisément de Buenos Aires, il a vécu aux États-Unis à Miami et il vit maintenant en France à Paris, preuve que le bonhomme ne tient décidemment pas en place. L’inspiration Bowie tient surtout à sa période Brian Eno, ce dernier ayant beaucoup participé et inspiré la fameuse trilogie berlinoise de Bowie. Les chansons de Be my Wife sentent le bidouillage électronique, les rythmiques sont saccadées, les sonorités sentent le synthétique, tout semble avoir été savamment travaillé avec une bonne dose de nuits blanches. Les chansons ne semblent pas être complètement ce qu’elle semblent être au premier abord, comme si elles renfermaient des tiroirs secrets qui ne demandent qu’à être découverts. Les titres Another light, Melodramatic, Radically Sealed et Who you are mettent la puce à l’oreille, le loustic semble vraiment passionnant. Le premier EP 4 titres The Restless Pursuit est sorti en février 2025 et le second avec 4 nouveaux titres dont Me Cuesta est une belle confirmation. Beaucoup verront une influence Kraftwerk, voire Krautrock, voire également Devo, sans oublier Nine Inch Nails ou pourquoi pas Beck. La liberté est la seule loi, les barrières sont interdites. Ca pourrait être le début d’une nouvelle révolution, passionnante et revigorante. La voix du chanteur dispense des sonorités presque synthétiques, pour tout dire c’est une vraie révélation, voire un vrai choc. Il sonne parfois comme Dave Gahan, le frontman de Depeche Mode quand il se laisse aller dans les graves, et puis il rappelle Moby quand il est plus aigu. Ca fonctionne, c’est certain.
Be my wife sort des entiers battus et ça fait du bien de sortir du cadre. Il attrape l’auditeur par le col et le propulse dans un univers sonore dont il est difficile de sortir. Après plus de 30 écoutes, je suis piégé, Be my wife est bien l’artiste de cette fin d’année 2025.
Lady Macbeth de Msensk ou l’amour à mort selon Warlikowski, est à (re)voir sur Mezzo Opéra
Cet opéra, donné à Bastille en 2019, est à (re)voir sur la chaîne Mezzo Opéra le samedi 6 septembre à 20h30.
Lady Macbeth de Mzensk est un brûlot, un coup de poing, un de ces opéras qui marque durablement l’imaginaire. Chef-d’œuvre d’un Chostakovitch d’à peine trente ans, le livret entraine l’art lyrique sur des voies sulfureuses. Où le déchaînement du désir est le résultat d’une oppression vécue par une femme prisonnière du carcan des conventions sociales et prête à toutes les transgressions. Une Madame Bovary tout droit venue du froid.
La solitude de l’héroïne y est intenable, la pression sociale étouffante, l’amour, emporté par une sexualité ravageuse. Le tout traité dans un mélange de lyrisme incendiaire et d’ironie grinçante. L’orchestre de Chostakovitch ? du métal en fusion. Ses personnages ? Des paysans, des bagnards, des ouvriers, des policiers véreux dont les griffes écrasent peu à peu la fragile Katerina, métamorphosée de scène en scène en Lady Macbeth sanguinaire.
Lorsque, dans les années 1930, Staline découvrit l’opéra de Chostakovitch, il quitta la salle avant même la fin du spectacle, laissant La Pravda dénoncer le lendemain un « chaos au lieu de musique« . Quatre-vingt ans après, la modernité et l’emportement transgressif de Lady Macbeth n’ont rien perdu de leur intensité et témoignent de la même charge et puissance abrasive.
L’opéra est inspirée du roman homonyme de Nikolaï Leskov qui raconte l’histoire de Katerina, une femme mal mariée, au fin fond de la Russie, seule, harcelée par son beau-père Boris, et qui tombe amoureuse d’un employé de son mari, Sergueï. Elle finit par empoisonner Boris qui a découvert leur liaison, puis étrangle avec l’aide de Sergueï son mari Zynovy qui les a surpris. Le corps dissimulé dans la cave, ils s’apprêtent à se marier quand le cadavre est découvert.
Les amants sont arrêtés et condamnés au bagne en Sibérie. Pendant le trajet Sergueï reproche amèrement à Katerina d’être responsable de la situation. Il courtise une jeune fille qui se donne à lui pour une paire de bas qu’il réclame à Katerina. Celle-ci entraîne alors la fille dans le fleuve où elles se noient toutes les deux.
Une descente aux enfers
Krzysztof Warlikowski dont on connait la singularité et l’exigence extrême de metteur en scène, accompagne cette descente aux enfers au plus près de l’œuvre et de la musique, aussi suggestive qu’explosive. Dans un geste radical et qui sonne juste, il transpose l’intrigue sur fond d’un abattoir dont l’univers bestial renvoie à la violence extrême des rapports humains.
Le décor glaçant élaboré par Małgorzata Szczęśniak est constitué d’un vaste espace propice au découpage séquentiel ainsi qu’au déploiement de l’histoire qui expose l’héroïne (meurtrière mais amoureuse) à un désir ardant de la chair et à un monde dépossédé de toute humanité. A la fois salon, chambre, église, puis prison, les éléments scénographiques sont interchangeables où les lumières, la vidéo, convoquent de concert des séquences ultra-réalistes et oniriques, en projection totale avec la lecture de la dramaturgie et son embrasement orchestral.
Une mise en situation qui cristallise la noirceur d’une condition humaine aux abois mais aussi le délitement d’une société machiste et violente où cruauté, trahison, perdition sont à l’œuvre.
Et dans cette fuite en avant, la soprano lituanienne Ausriné Stundyté est exceptionnelle d’incarnation où sa voix puissante impose un tempérament de feu. Quant à son partenaire qui joue l’amant Sergeï (Pavel Cernoch), il est cet objet du désir, fébrile, à la tonalité vocale dense et enveloppante.
Le reste de la distribution est au diapason, le tout emmené par une direction d’acteurs/chanteurs au cordeau. Où chaque geste/vocalise s’empare du drame, l’explore et le révèle sur la trame musicale à la fois brûlante et tendue, dont l’architecture se charge et se déploie avec force sous la direction de Ingo Metzmacher.
Date : 6 septembre 2025 sur la chaîne Opéra à 20h30 Metteur en scène : Krzysztof Warlikowski
Akira Kurosawa est surtout connu pour ses films de samouraï. Il livre ici un polar aux différentes dimensions. Le polar est d’abord psychologique avec une question retorse. Faut-il payer une rançon pour délivrer un fils qui n’est pas le sien? Puis le polar devient plus classique, les policiers recherchent leur cible. Enfin le polar devient social avec une division fracassante entre riches et pauvres. Entre le ciel et l’enfer bénéficie d’une structure unique et ambitieuse mise en valeur par sa mise en scène particulièrement élaborée.
Un film très ambitieux
Le film noir bénéficie d’un travail approfondi du réalisateur sur la disposition des personnages dans l’espace, avec de multiples variations de rythme et une musique particulièrement travaillée. La maitrise et la richesse du film forcent le respect. Akira Kurosawa adapte un roman d’Ed McBain, Rançon sur un thème mineur. Entre le ciel et l’enfer est scindé en 2 parties avec un huis clos dans la maison du riche industriel incarné par Toshiro Mifune puis la traque du kidnappeur dans les bas-fonds de la ville menée par le policier en charge de l’enquête et interprété par Tatsuya Nakadai. Les codes du film de genre ne manquent pas. La grande ville et ses quartiers malfamés, la drogue, la traque entre la police et le criminel, le tout filmé en TohoScope avec un noir et blanc somptueux. Le cinéaste fait preuve d’un sens du rythme et du suspense très poussé, avec comme point central la séquence inégalable dans le train, du même niveau qu’un Alfred Hitchcock. Le ciel, ce sont les hauteurs de la ville et la richesse de Gondo. L’enfer, ce sont les bas-fonds et la pauvreté du ravisseur. Le film interroge sur la duplicité des personnages, la victime et le coupable sont les 2 faces d’une même réalité, chacun pourrait être l’autre s’ils avaient été élevés dans deux milieux sociaux différents. Les 2 mondes sont hermétiques l’un à l’autre et Kurosawa livre une critique du capitalisme et de ses excès. Les actionnaires souhaitent le profit au détriment de toute forme de morale, avec pour conséquences les inégalités sociale permanentes qui poussent les gens à commettre les pires crimes.
La sortie au cinéma de cette version restaurée 4K permet de découvrir ou redécouvrir un des sommets de ce grand réalisateur japonais.
Synopsis: Industriel au sein d’une grande fabrique de chaussures, Kingo Gondo décide de rassembler tous ses biens afin de racheter les actions nécessaires pour devenir majoritaire. C’est à ce moment-là qu’il apprend que son fils Jun a été enlevé et qu’une rançon est exigée. Se produit alors un véritable coup de théâtre : ce n’est pas Jun mais Shin’ichi, le fils de son chauffeur, qui a été enlevé. Gondo est désormais face à un dilemme : doit-il dépenser toute sa fortune pour sauver l’enfant d’un autre ?
Le casting de ce film comprend avant tout le grand Russel Crowe dans le rôle principal d’un enquêteur souffrant d’Alzheimer. Mis au repos par sa hiérarchie, il est contacté pour reprendre une affaire où l’accusé d’une ancienne enquête clame son innocence. Diminué mais volontaire, il mène l’enquête dans une ambiance des plus paranoïaques, avec l’inévitable twist final si cher aux scénaristes américains.
Un thriller efficace
Sleeping Dogs est adapté du best-seller Jeux de miroirs d’Eugen Ovidiu Chirovici. Le réalisateur Adam Cooper se sert des principales manettes de l’ouvrage pour livrer un thriller psychologique tendu, centré sur le personnage de Roy Freeman interprété par Russell Crowe qui est un ex-policier amnésique qu’une ancienne enquête inachevée rattrape et obnubile. Le film se déroule sur le monde de chapitres, chaque personnage de chaque épisode est lié au crime, avec notamment le professeur Joseph Wieder (Marton Csokas) et Laura Baines (Karen Gillan), et l’intrigue avance avec chacune des interventions comme une pièce apportée au puzzle. Le roman multipliait les points de vue autour d’un manuscrit central, le film se recentre avant tout sur le personnage de Freeman, la narration est linéaire et agrémentée de flashbacks, le spectateur se demande souvent si les souvenirs sont vrais car ils semblent toujours incertains. La vérité est fragmentée et il faut de longs détours pour finir par la connaitre véritablement. Le réalisateur manie tension et ambiguïté et le résultat est convaincant grâce aux prestations solides de Crowe et Gillan.
Le polar est efficace, Sleeping Dogs interroge sur notre rapport à la mémoire et au réel dans une ambiance oppressante avec son lot de fausses pistes et d’ambiguités.
Synopsis: Un ancien inspecteur de la police criminelle ayant perdu la mémoire est contraint de résoudre un meurtre brutal et de découvrir des secrets effrayants de son passé oublié.
Le Lucernaire laisse toute la place nécessaire à Erwan Creignou pour adapter, mettre en scène et interpréter le roman d’aventures anglais Robinson Crusoé de Daniel Defoe, publié en 1719. Mais la pièce s’éloigne du roman original pour emprunter également à MichelTournier et Chamoiseau, de quoi découvrir une variation originale portée par l’auteur/comédien tout en verve et en passion contenue.
Un homme échoué mais révélé à lui même
L’histoire est bien connue, un navire s’échoue et un homme seul est l’unique survivant du naufrage. Il doit survivre dans un environnement inconnu, en pleine solitude. Passé l’abattement initial, il s’ingénie à se construire un chez soi tout en trouvant des moyens de subsistance inespérés. Loin de succomber à la folie, il fait preuve d’une capacité de résilience inattendue pour résister aux foudres d’un destin contraire. A l’instar de son personnage acculé aux limites de la raison, l’interprète parvient à aviver des émotions profondes et sincères avec quelques procédés scéniques habiles et artisanaux. La scène de tempête est particulièrement marquante, le public s’y croit vraiment. La narration suit les péripéties du héros, de la trace de pied aperçue sur la plage jusqu’à la visite d’une troupe locale relativement hostile. D’autres surprises sont au rendez-vous, impossibles à spoiler pour laisser son lot de surprises aux futurs spectateurs. L’important tient à la révélation finale sur le gout du personnage pour une solitude savamment entretenue, de quoi donner envie de ne s’intéresser qu’aux choses essentielles et non pas au superflu qui est la marque de notre société capitaliste.
Robinson se joue jusqu’au 2 novembre pour découvrir un seul en scène prenant et fascinant.
Synopsis: Dans la nuit du 25 septembre 1659. En plein océan Pacifique au large des côtes du Chili, la tempête fait rage et sur le navire en perdition, un jeune marin du nom de Robinson voit sa dernière heure arriver…
Naufragé sur une île déserte, il lutte pour survivre. Il résiste à la solitude, à la folie qui l’accompagne, il s’adapte. Jusqu’à la découverte d’une empreinte humaine le long du rivage…
J’ai emprunté à Defoe, à Tournier, à Chamoiseau, à tous les naufragés et à leurs récits de survie. J’ai emprunté à nos rêves d’enfants, à nos cabanes du bout du monde…
Les éditions Milan nous proposent un album jeunesse particulièrement juste : Entre mes deux maisons.
C’est l’histoire d’une petite fille qui est en situation de garde alternée. Et elle nous raconte sa vie une semaine chez papa et une semaine chez maman. En fait, elle a deux vies, tellement différentes. Pour aider le temps à aller plus vite, la petite fille a tendu un fil entre ses deux vies. Elle raconte, avec beaucoup de justesse, que le moment le plus difficile pour elle, c’est celui de la séparation. Le moment où ses deux parents sont présents, où elle sent une pression entre ses deux parents ! Elle doit quitter un parent pour aller retrouver l’autre parent…
Entre mes deux maisons est un très bel album, sans jugement, qui décrit juste une situation vécue par une enfant. Et cet album, joliment illustré, pourrait aider beaucoup d’enfants dans la même situation, et inciter les parents à faire la paix, même en étant séparés…
A l’opéra de Paris, la danse musicale de George Balanchine sur France 4
Fils de compositeur, George Balanchine (1904-1983) a appris la musique avant la danse. Toute sa vie, il a gardé cet intérêt et cette intime connaissance de la musique qui, seule, a guidé ses créations. Il disait lui-même : « Le ballet est avant tout une affaire de tempo et d’espace : l’espace délimité par la scène, le temps fourni par la musique« .
C’est donc cette musicalité des corps qui est à l’œuvre en cette soirée consacrée au maître où son classique abstrait, affranchi de toute narration, tend à l’épure et à cette géométrie de l’espace, entièrement dédiée à la musique et au mouvement. Un pur ravissement.
Ce ballet donné en 2023, a fait l’objet d’une captation diffusée sur France 4, ce soir 23 septembre 2025 à 21h00.
Architecture chorégraphique
Deux pièces majeures, deux architectures chorégraphiques, qui faisaient leur entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris. Ballet impérial, créé en 1941 par l’American Ballet Caravan sur le Concerto pour piano n° 2 de Piotr Ilyitch Tchaïkovski, et Who Cares ? créé en 1970 par le NewYork City Ballet sur une musique de George Gershwin. Mikhail Agrest, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris, dirige l’Orchestre de l’Opéra de Paris.
Ballet Impérial, pour 31 interprètes, est d’une perfection totale dédiée à la danse et à cette géométrie de l’espace propre au maître où Balanchine rend hommage à Marius Petipa. Il y déploie son art pour un classique abstrait sans narration au seul service de la virtuosité technique et à cette grammaire néoclassique hypnotisante.
Avec Who Cares ? pour 24 danseurs, changement de tempo et de décor. Sur des airs de Gershwin dont les très connues The Man I Love ou I Got Rhythm, un vocabulaire jazzy, pleine d’effervescence, électrise le corps de ballet à l’euphorie communicative, avec pour toile de fond des gratte-ciels newyorkais entre ciel et terre.
Le ballet se divise en deux parties. La première, pleine de vitalité désinvolte, est propre à faire briller l’écriture des ensembles, tandis que la deuxième offre une atmosphère plus intimiste et fait apparaître un danseur et trois danseuses solistes.
Date : le 23 septembre 2025 sur France 4 à 21h00 Chorégraphe : George Balanchine
Agnès Berthon dans « la Réunification des deux Corées » (c) Agathe Pommerat
Disparition d’Agnès Berthon, figure emblématique et singulière de l’œuvre de Joël Pommerat
Née à Alger le 23 juin 1959, jumelle de Florence, rapatriée sans souvenir mais avec la mémoire d’un exil fondateur, Agnès Berthon a grandi entre massif central et méditerranée, rock anglais et adolescence électrique.
Très tôt, elle pose ses pas entre musique et théâtre, pigiste à Londres pour Rock & Stock, apprentie comédienne à Paris, militante du collectif avec Christian Benedetti. Sa vie sera faite de passages, de rencontres : Miossec à Brest, Dominique Sonic à Rennes, puis un soir de 1997, Joël Pommerat. Elle avait lu son portrait, elle avait su : ce serait lui.
Actrice de l’ombre et de la lumière, elle n’ornait pas le plateau, elle le hantait. Présence androgyne, voix aérienne, puissance muette : son art consistait à accueillir, à se laisser traverser. Incarnée et désincarnée à la fois, elle portait ce réalisme magique qui fit la signature Pommerat.
Dans son théâtre, Agnès devient figure, spectre, souffle. Elle est présence et absence, réalité et hallucination. Androgyne, entité « venue d’ailleurs », elle prête à Pommerat la part de rêve et de trouble que son théâtre appelle.
On se souvient d’elle dans « Ça ira (1) Fin de Louis », grotesque et tragique à la fois. On se rappelle d’elle encore dans « La Réunification des deux Corées », en Bowie satiné, voix-tube inventée, hantant l’espace entre les scènes, séduction tragique et suspension hypnotique pour une voix de velours hors du temps.
Son art était celui de l’accueil : accueillir les hasards, les signes, les déplacements. Ne rien chercher, mais tout laisser advenir. Une actrice désincarnée et pourtant ancrée, artisanale et pourtant visionnaire. Camarade de troupe parfaite, fédératrice, généreuse, mais aussi avide de solitude et de silence.
Elle apparaissait aussi au cinéma, toujours aux lisières — Bertrand Mandico, Arnaud des Pallières, bientôt Caroline Deruas à Venise. Elle préparait encore des projets, comme si l’élan ne devait jamais cesser.
Sa vie fut tissée de rencontres, d’écoutes, d’accidents. Marquée par la mort brutale de sa mère dans son enfance, elle avait appris à vivre chaque instant comme une rareté. Sa gémellité avec Florence fondait ce rapport particulier à l’existence, cette conscience aiguë de l’éphémère.
Agnès Berthon avait ce don : rendre habitable l’étrangeté du monde. Elle savait que tout est fragile et précieux, et le disait avec son corps, sa voix, ses silences.
Le 17 août 2025, la voix s’est tue à Narbonne. Mais son souffle reste : il habite encore les mots de Pommerat, il hante ce théâtre d’ombre et de lumière.
Un mal irréparable, un roman de Lionel Duroy (Mialet-Barrault Editeurs)
Publik’Art suit, avec passion, Lionel Duroy depuis des années ! Encore une fois, son dernier roman qui vient de sortir, Un mal irréparable, nous a bouleversés !
Frédéric Riegerl est un écrivain français reconnu et aimé à travers le Monde ! Il a 74 ans et s’interroge sur sa vie, et surtout celle de ses parents. Il ne comprend pas pourquoi il ne s’est jamais posé de questions avant !
Et ce qu’il va découvrir du passé de ses parents va l’anéantir. Lui qui pensait avoir eu une enfance heureuse, avoir une maison de campagne… Il va se rendre sur place et découvrir l’innommable ! L’impensable, le mal irréparable !
L’auteur raconte l’histoire d’une famille qui fut déportée dans la nuit du 18 au 19 juin 1951. 40 000 personnes habitant dans une région frontalière de la Yougoslavie furent raflées par les forces de police roumaines, et déportées dans le Bărăgan. Leur vie devint un enfer. Ils luttèrent pour survivre, dans des conditions catastrophiques et beaucoup moururent, enterrés sur place… Les parents de Frédéric vont tout faire pour que leur fils ne garde aucun souvenir de sa petite enfance, aucun souvenir de cette période dramatique et si cruelle… Et lui, va attendre de devenir orphelin pour s’interroger sur le sens de sa vie et de celle de ses parents… Il ne le fera jamais de leur vivant, n’imaginant absolument pas le passé tragique qu’ils ont tous vécu !
Lionel Duroy nous embarque avec beaucoup de pudeur et de dignité dans une Histoire quasi insoutenable, avec une plume tellement juste et vraie.
Un mal irréparableest un roman à lire absolument, comme un hommage rendu à toutes ces victimes qui ont vraiment existé !
J’ai adoré mourir, de Sophie Chauveau (Editions Télémaque)
Sophie Chauveau nous confie ses pensées dans son dernier livre : J’ai adoré mourir. Si elle raconte ses expériences personnelles autour de la mort, elle se livre aussi sur la façon de vivre en France, et ce, durant la période de la Covid. Une bonne analyse de ce que nous avons tous vécu ! Et que l’on n’a pas du tout envie de revivre !
Elle nous livre aussi sa vie familiale avec ses filles exilées en Israël. Pas facile de vivre séparées. Mais on ne lui a pas demandé son avis… Elle doit faire son deuil d’une certaine façon. Accepter de voir grandir ses filles, loin d’elle. accepter de ne pas être auprès d’elles alors qu’elles vont faire euthanasier leur chien…
C’est aussi passionnant car l’auteure est historienne et analyse le monde. Et l’on plonge aussi dans un monde littéraire et artistique bouillonnant. Quelle culture ! Elle nous confie à la fois sa vie personnelle, sa vie familiale, ses interrogations sur le passé, l’Histoire, les persécutions, les attentats, la Shoah, le monde dans lequel nous vivons… La mort rôde partout autour de Sophie Chauveau. Elle enterre les personnes qu’elle aime et fait souvent des nécrologies… Si elle reste très triste à chaque fois qu’elle perd une personne aimée, la mort ne lui fait pas peur. Mais vraiment pas peur. Elle-même a vécu deux fois la mort… Elle a presque failli mourir deux fois ! Mais c’était plutôt un chemin vers la joie et la lumière… Une expérience au final pas du tout traumatisante !
J’ai adoré mourirest un livre très autobiographique, très vrai et émouvant. Mais c’est surtout une ode à la vie !
Le film Oxana de Charlène Favier raconte la naissance du mouvement Femen. Le mouvement a été fondé notamment par OksanaChatchko, artiste peintre et activiste féministe à l’existence courte mais intense. La renommé internationale des Femen provient de protestations publiques réalisées sous forme de happening-coup de poing dans le but de dénoncer la prostitution institutionnalisée en Ukraine, ainsi que la corruption ou les élections truquées en Russie.
Un biopic musclé
Les Femen étaient connues pour écrire écrire des slogans chocs sur leurs poitrines dénudées avec pour résultat des photos de leurs manifestations reprises dans le monde entier. Le film colle à l’histoire particulière de l’héroïne et il amoindrit quelque peu la rage, la révolte, la passion et la radicalité de la résistance. Robin Campillo avait un peu plus collé à l’esprit des temps dans son opus dans 120 battements par minute. Le film aborde 2 sujets principaux et incontournables, la lutte des femmes et l’Ukraine, avec tous les tressaillements politique qui y sont liés. Le film alterne entre 2 époques, 2008 et 2018, et 2 pays, l’Ukraine et la France, pour une densité indéniable. Si la fluidité et l’effervescence en pâtissent quelque peu, le film tient en haleine grâce à l’enchainement des évènements pour un destin particulier qui touche à l’universalité. L’actrice Albina Korzh se donne à fond dans un film qui remonte l’histoire récente et justifie des actions marquantes en étayant le contexte.
Oxana est un film à découvrir en DVD, BRD et VOD le 19 aout pour un beau coup de projecteur sur un destin hors normes.
Synopsis: Ukraine, 2008. La jeune Oxana et son groupe d’amies multiplient les actions, slogans peints sur le corps et couronnes de fleurs dans les cheveux, contre un gouvernement arbitraire et corrompu. C’est la naissance d’un des mouvements les plus importants du XXIe siècle : FEMEN. Réfugiée politique, artiste, activiste, Oxana franchira les frontières et militera sans relâche pour les droits des femmes et la liberté, jusqu’à risquer sa propre vie.
Au premier plan les inoubliables Don Draper (Jon Hamm) et Peggy Olson (Elisabeth Moss)
« Mad Men » : le vide sublime du rêve américain
« Mad Men », c’est une série qui a réussi l’exploit de transformer le néant en objet d’art. Sept saisons où l’on regarde des types fumer, boire, tromper leurs femmes et essayer de vendre du shampoing comme si c’était Shakespeare. Et le pire ? On est fascinés.
Parce que derrière les costumes taillés et les répliques glacées, il y a quelque chose de plus grand, de plus sombre : le spectacle sublime de l’illusion qui se fissure.
Don Draper (Jon Hamm) par exemple : c’est un mystère en costard, une silhouette qu’on croit solide, mais qui se dissout au fur et à mesure qu’on l’approche.
L’élégance fatale
C’est le mensonge devenu chair, une cicatrice habillée en publicité Coca-Cola. Un personnage tellement creux qu’il en devient poétique. On pourrait se moquer de lui — et on le fait, évidemment — mais avouons-le : quand il vend un mensonge, il nous vend aussi la beauté du mensonge. Et ça, c’est hallucinant.
Car Mad Men n’est pas qu’une satire du rêve américain : c’est une symphonie de silences, de regards perdus dans la fumée, de gestes insignifiants qui deviennent tragiques. C’est lent, oui. Mais cette lenteur est calculée, presque hypnotique. Elle nous force à contempler l’érosion, à voir comment un sourire impeccable peut cacher une solitude abyssale.
Et puis il y a les femmes de la série — Peggy Olsaon (Elisabeth Moss), Joan Holloway (Christina Hendricks), Betty Draper (January Jones), coincées dans un décor trop étroit et habitées d’une illusion funeste, qui sont les véritables héroïnes de ce soap trouble et complexe, traversant ce monde saturé de whisky et de testostérone avec un mélange de fragilité et de puissance.
Eux croient écrire l’histoire en inventant des slogans ; elles, elles survivent à l’histoire en la transformant de l’intérieur. Elles sont le contrepoint lumineux d’un décor saturé de faux-semblants.
Au fond, « Mad Men » n’est pas une série sur la pub, ni sur les sixties, ni même sur Draper. C’est une série sur le vide. Mais pas un vide triste ou morne : un vide magnifique, chorégraphié, taillé sur mesure, mystérieux, habillé de soie et de fumée.
Un vide qui ressemble étrangement au nôtre, celui des réseaux sociaux, des identités bricolées, des slogans qu’on s’invente pour se rendre supportables.
Alors oui, « Mad Men », c’est une série qui nous berce avec du néant. Mais avouons-le : rarement le vide n’aura été aussi beau à regarder, aussi vertigineux à s’imprégner de sa détresse existentielle.
Sur Arte.tv « Mad Men » l’intégrale en sept saisons
Marie-Laure de Decker à la MEP : l’art de viser juste
La MEP nous tend le miroir d’une époque en cendres : Vietnam, Tchad, Soweto, l’ombre de Pinochet… Le conflit est là, bien présent, mais Marie-Laure de Decker évite le choc frontal — elle préfère le hors-champ, la suggestion, l’humanité effleurée, non la violence surimprimée.
Pas de fracas, pas de poudre — la photographe tire au silence. Ses clichés du Vietnam ou du Tchad, aujourd’hui accrochés à la MEP, ne montrent pas la balle mais le souffle qu’elle laisse. Soldats épuisés, enfants sidérés : la guerre suinte dans les regards, pas dans les explosions.
L’engagement droit dans les yeux
Car avec elle l’image ne hurle pas, elle sourd dans la dignité des visages, l’intensité des silences, et dans ce pas de côté débusqué où la vie continue malgré tout, se montre envers et contre tout.
Pas d’explosions, pas de feu d’artifice sanglant : la guerre se lit dans les creux, dans les postures, dans les corps que la photographe sculpte à coups de lumière. Elle ne montre pas l’impact de la balle, mais la seconde qui précède ou suit. Le silence avant le chaos.
Puis viennent les portraits : Barthes, Duras, de Beauvoir, Godard. Même régime sec : pas de décor, pas de fioritures. Les icônes tombent le masque, ramenées à leur chair nue. De Decker ne hiérarchise pas : l’anonyme et la célébrité, le combattant et l’écrivain, tous logés au même cadre, à la même intensité.
Elle ne vole rien : elle attend. On sent dans chaque image le temps partagé, la confiance arrachée ou délivrée. Ce n’est pas la chasse de Capa, ni le spectacle de Nachtwey ; c’est une lente mise à nu, presque une ascèse. Le regard de ses sujets ne se détourne pas, il affronte celui qui le regarde aujourd’hui. Et ce face-à-face, c’est nous qui le recevons.
L’exposition façonne un dialogue constant : l’histoire et l’intime. Le reportage et le portrait se répondent, comme si la violence du monde ne pouvait s’exprimer que par la tension du sensible opposé. À l’échelle du photographe, c’est une quête d’équilibre : documenter sans sacrifier l’humain.
Près de 300 photos, toutes tendues comme des cordes prêtes à rompre, composent cette première grande rétrospective. On en sort le regard aiguisé. Car ici, l’image n’est pas souvenir — elle est l’engagement même, droit dans les yeux.
Dates : du 4 juin au 28 septembre 2025 – Lieu : MEP (Paris) Photographe : Marie-Laure de Decker
Les éditions Glénat jeunesse nous proposent un très bel album jeunesse, documentaire sur le thème des animaux: J’aime les animaux ! Et ce sera mon métier…
Publik’Art vous avait déjà fait découvrir un très chouette album, dans la même collection : J’aime la mode.
Le jeune lecteur va découvrir tous les métiers qui tournent autour des animaux. Il est évident que vous en connaissez déjà beaucoup, vétérinaires, comportementaliste, physiothérapeute, mais connaissez-vous le secouriste de la faune sauvage, l’inspecteur en protection animale, le policier maître-chien, l’éthologue, l’aquariologiste, ou encore le trayeur de serpent ? Le jeune lecteur va découvrir 50 métiers et 50 surprises sous les rabats ! Toujours en rapport avec les animaux !
Les illustrations sont pleine d’humour, et les explications des différents métiers sont très claires et très intéressantes.
J’aime les animaux est un très chouette album, entièrement cartonné, grand format, à offrir aux garçons comme aux filles car tout le monde aime les animaux ! Un album documentaire intelligent et pédagogique !
« Le Messie » selon Wilson : icônes, silences et éclats – à (re)voir sur ARTE concert en hommage au grand Bob
En hommage à Bob Wilson, disparu le 31 juillet 2025, (notre article ici), ARTE concert propose de (re)découvrir sa mise en scène du célèbre oratorio de Haendel réorchestré par Mozart. Un spectacle créé à Salzbourg en 2020, porté par le chef d’orchestre français MarcMinkowski et Les Musiciens du Louvre. Capté le 23 janvier 2020 lors de la Semaine Mozart à Salzbourg en Autriche et disponible sur ARTE concert jusqu’au 5 novembre 2025.
C’est dans le cadre de la Semaine Mozart de Salzbourg, événement annuel d’envergure, que Bob Wilson a offert sa vision personnelle du Messie de Haendel dans la version de Mozart.
Composé en seulement 24 jours en 1741, l’oratorio repose sur un livret de Charles Jennens. Pensée comme un triptyque pascal, l’œuvre raconte les grands épisodes de la vie de Jésus. Près de cinquante ans après sa composition, le baron Gottfried van Swieten demande à Mozart de moderniser la partition pour répondre aux attentes et aux instruments de l’époque. Une vaste fresque hiératique, servie par la direction musicale de Marc Minkowski à la tête de son ensemble Les Musiciens du Louvre, fondé en 1982 et spécialiste de l’interprétation historiquement informée.
Notre critique :
Une mise en scène marquante dans un répertoire rarement scénographié
Bob Wilson demeure fidèle à son vocabulaire onirique et stylisé — cadre structuré, lumière minérale, gestuelle hiératique inspirée du théâtre nō. Chaque tableau se déploie comme une œuvre d’art abstraite, à la fois symbolique et immersive. Et nous plonge dans son univers scénique minimaliste et infiniment mystérieux.
Wilson écarte toute narration chrétienne explicite. Il privilégie une lecture contemplative et mystique, dénuée de toute dimension dogmatique. Les symboles foisonnent : fragments de bois brûlés, ailes d’ange en papier, arbres renversés, icebergs, barque immersive… Pour autant d’images à la portée spirituelle sans être littérales.
Le dramaturge introduit des personnages inattendus — fillette, danseur, épouvantail jaune — qui humanisent subtilement le propos. Le ténor Stanislas de Barbeyrac, en dandy espiègle, transcende son rôle avec une présence scénique réjouissante.
Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre offrent une lecture riche d’atmosphères, jouant le contraste entre les couleurs boisées de Mozart et la gestuelle visuelle de Wilson.
La distribution vocale sert à merveille le propos de Minkowski et Wilson : équilibre entre pureté formelle et couleurs suggestives. Les moments d’excellence sont emmenés par les solistes capables de s’imposer dans cet univers visuel et poétique très codifié. Le chœur, en osmose parfaite, parvient à maintenir la majesté et la densité nécessaires à cette version « mozartisée » du Messie.
« Le Messie », oratorio contemplatif et non dramatique, est un terrain ardu à mettre en scène. Wilson relève haut la main ce défi porté par cet imaginaire qui n’appartient qu’à lui, s’attachant à une relecture audacieuse, à contre-pied des versions plus psychologisantes, comme celle de Claus Guth.
Elle est une immersion visuelle puissante, une méditation scénique plus qu’un récit. Elle nous emporte par son audace, sa beauté froide onirique et ses touches d’humour inattendues. Une stylisation propre au dramaturge qui exige une disponibilité émotionnelle de la part du spectateur, qui doit se laisser aller à cette invitation unique à un art total, à la fois poétique, minimaliste et profondément symbolique.
Othello ou la passion selon Shakespeare ! sur France 4, le 10 août à 0h40
Shakespeare analyse avec génie l’humain dans sa dimension intemporelle et universelle.
Complexes, équivoques et ambigus, tout en clairs-obscurs et en contrastes, ses personnages de théâtre et quel théâtre ! laissent deviner, dans le conflit entre raison et passion, monstruosité et angélisme, sublime et grotesque, toute l’ambivalence d’une humanité protéiforme.
Après Le roi Lear qu’il avait monté au festival d’Avignon il y a 15 ans, Jean-François Sivadier revient à Shakespeare avec Othello et nous offre un grand moment de théâtre.
La pièce emblématique du dramaturge anglais nous embarque dans les aventures d’un homme d’honneur, le Maure de Venise, qui après avoir offert sa confiance au plus fourbe des êtres, Iago, finira par sombrer dans la barbarie.
Othello raconte comment un homme (Le Maure), poussé par un autre (Iago) qui incarne l’essence du mal par excellence, finit par tuer sa femme. Cette pièce universelle se montre terriblement ravageuse sur la condition humaine. C’est une œuvre beaucoup moins épique que les autres, poisseuse et très grinçante, qui se concentre sur la violence des rapports humains.
Une tragédie donc qui sous le regard décalé de Jean-François Sivadier, tire allègrement vers la comédie pour mieux en révéler toute sa noirceur et sa cruauté, où les enjeux de pouvoirs, les jeux de masque et de manipulation à tous les étages sont portés à leur paroxysme.
Une mise en scène endiablée et de haut vol
Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte devient ici matière contemporaine, où s’explorent à l’envi le vice et la vertu des protagonistes. Le tout dans un rythme d’enfer à l’abri d’apartés, de ruptures sarcastiques, d’excursions en wolof ou en italien, d’improvisations bouffonnes sur une bande-son très seventies (Dalida, Freddie Mercury, John Lennon…) sans oublier les références au Joker de Batman ou encore à une séance de psychanalyse et des adresses faites au public.
On y porte le verbe haut et le geste ample dans cette mise en scène pétrie d’intelligence, laissant toute leur place aux comédiens et à leur jeu décalé dans le pur esprit shakespearien.
La pièce met à nu le processus d’humiliation sociale et d’emprise où dès les premières scènes la confusion règne dans les ruelles de Venise. Où l’amour d’un noir pour une femme blanche doit affronter un père dévasté, un amant éconduit et un officier en mal de reconnaissance.
Incarnation du mal absolu qui voit la supercherie se fomenter avant de s’accomplir, Iago est un prédateur constituant le personnage central avec et par qui la tragédie se déploie. Traitre et manipulateur, à l’abri d’une théâtralité poussée à son zénith, Nicolas Bouchaud (époustouflant) très physique, campe un personnage malfaisant aussi diabolique que primaire, investi de tout son être dans l’exécution machiavélique de son plan d’action.
Sous le feu de son poison, Othello est progressivement contaminé où dévoré par le doute, il réagit irrationnellement en projetant sur lui ce que les autres attendaient, l’image d’une bête immonde.
Dans une approche solaire et crépusculaire du verbe, Adama Diop (Othello) prend les traits avec brio d’un héros d’aujourd’hui à la fois conquérant, amoureux, puis rongé par le doute et dont la résonance renvoie à cette ère du soupçon et son implacable emprise sur les esprits. Bravo !
Date : 10 août 2025 sur France 4 à 0h40 Mise en scène : Jean-François Sivadier
Couteaux affûtés, esprits aussi : Julien Lefebvre relance la partie
L’assassinat — ce vieux sport d’intérieur que la littérature anglaise a su élever au rang d’art dramatique — revient, sous les traits ciselés de Julien Lefebvre, hanter les planches d’un théâtre victorien aussi feutré qu’assourdissant de mystères.
Avec « L’Heure des Assassins », l’auteur poursuit, avec la précision méthodique d’un horloger suisse, sa trilogie dédiée aux écrivains-enquêteurs — Conan Doyle, Bram Stoker et ce cher Bernard Shaw, réunis non par l’absinthe mais par le crime.
Une troupe au taquet
Le texte est une mécanique bien huilée : jeux de mots so british, faux-semblants qui se multiplient, et intrigue rythmée.
Julien Lefebvre s’amuse à convoquer les figures de l’âge d’or du roman policier non pour les flatter, mais pour les piéger dans leur propre mythe. On ne regarde pas « L’Heure des Assassins » : on y participe, malgré soi, comme on participe à une partie de Cluedo dont on serait suspect, témoin et lecteur à la fois.
Le théâtre ici n’est pas seulement l’endroit du spectacle : il est l’arme du crime. On y assassine à coups de mots, de soupçons, de doubles fonds. Le rideau se lève, mais la vérité, elle, tarde à tomber. Et c’est tant mieux.
Les comédiens, au diapason, incarnent avec jubilation leurs personnages. Ludovic Laroche brille comme un Conan Doyle imperturbable, observateur et méthodique. Jérôme Paquatte et Nicolas Saint Georges, en Stoker et Shaw, composent un duo de rivaux littéraires aux tempéraments opposés mais complémentaires
Stéphanie Bassibey campe Katherin/Soeur Belgrave avec beaucoup de présence : sa soprano théâtrale et son humour pince sans rire font mouche à chaque réplique. Ninon Lavalou (Miss Lime) est excellente en fausse ingénue qui révèle progressivement une intelligence subtile et un assurance à toute épreuve. Quant à Pierre Arnaud Juin, son Hartford ambivalent est à la fois loyal et inquiétant, en parfait ressort dramatique.
Dates : du 18 juin 2025 au 18 janvier 2026 – Lieu : Comédie de Paris (Paris) Mise en scène : Elie Rapp et Ludovic Laroche