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Amaury Jacquet

Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

« Outsider » : l’envolée chorégraphique de Rachid Ouramdane

Rachid Ouramdane est un habitué des projets à la croisée des disciplines qui aime explorer de nouveaux territoires, sensoriels comme imaginaires, et repousser les limites du chorégraphique. Avec "Outsider", le chorégraphe mêle quatre sportifs de l’extrême aux fugues des 21 danseurs et danseuses du Ballet du Grand-Théâtre de Genève, où s'explorent les thèmes de la fragilité, du risque et du dépassement.

Denis Lavant et Frédéric Leidgens, deux phénix au bord du vide dans une « Fin de partie » magistrale, sont de retour ...

"Rien n'est plus drôle que le malheur, [...] c'est la chose la plus comique [...] mais c'est toujours la même chose [...]. C'est comme la bonne histoire qu'on nous raconte [...] nous la trouvons bonne mais nous n'en rions plus". Voilà, tout est dit, Samuel Beckett transcende sa propre noirceur par l’humour implacable de la dérision inscrite en filigrane dans les plis du langage et une humanité au bord du vide. Clov (Denis Lavant), Hamm (Frédéric Leidgens), Nagg (Peter Bonke) et Nell (Claudine Delvaux) - pauvres rescapés de la vie - continuent à réinventer le jeu de l'humanité. Et ils résistent. Inexorablement. Pour continuer à exister, ils remplissent le temps des mots qui les émeuvent, les font s’insurger ou se taire. Ils vaquent à leurs occupations. Le monde s'est effondré mais eux comme si de rien n'était, ils continuent. “Fin de partie”, pièce mémorable de Samuel Beckett, où la tragédie métaphysique du désespoir est portée à son paroxysme.

Le retour gagnant de la compagnie du Zerep / Sophie Perez, olé ! 

Avec la meringue du souterrain, leur nouvelle création, ils expérimentent le théâtre qui ne se jouerait que dans les salles vides et où la scénographie invasive déborde de toute part pour se répandre dans la salle car il n’y a pas de spectateurs. Un traquenard esthétique et scénique où une représentation, sortie de nulle part, émerge et s’élabore à travers des apartés (chantés parfois) sur un ton vif, subtil, transgressif, créatif, mélancolique et poétique.

La « Pastorale » de Beethoven dans les pas de Thierry Malandain, à (re)voir sur Mezzo

Thierry Malandain embarque pas moins de vingt-deux danseurs dans cette traversée aux aires d’odyssée enivrante. Alliant habilement le vocabulaire classique et les compositions contemporaines, il nous offre un ballet aussi enlevé que saisissant.

Le Lac des cygnes revu et corrigé par Angelin Preljocaj sur Mezzo Live : saisissant

Après Blanche Neige et Roméo et Juliette, Angelin Preljocaj renoue avec le ballet narratif et son goût pour les histoires. Mêlant le chef-d’œuvre musical de Tchaïkovski à des arrangements plus contemporains comme il aime à le faire, il s’empare du mythe de la femme-cygne, et y ajoute des problématiques à la fois écologiques, psychologiques et politiques très actuelles. ransposition du conte donc dans le monde de l’industrie, du pouvoir et de la finance où les amours contrariées se vivent au milieu des gratte-ciels et de ses artifices entre moments de fêtes et d’hystérie collective. La première scène donne le ton : la danseuse qui incarne Odette, Théa Martin, est attrapée par plusieurs hommes en noir, et transformée, manu militari, en cygne. Cette métamorphose forcée, sur la musique inquiète de Tchaïkovski, annonce la radicalité du final qui verra les cygnes, en un moment suspendu, tomber ensemble au sol et dont la chute au regard de l’écosystème sacrifié, prend une dimension tragique.

« Jours de joie » : le geste enlevé de Stéphane Braunschweig aux Ateliers Berthier

Avec "Jours de joie", il interroge le glissement des relations familiales, conjugales, amoureuses, amicales, à travers des groupes de personnes qui, au demeurant, ne se connaissent pas et se trouvent réunis fortuitement. Dans cet opus, comme dans les autres, des gens font face aux difficultés de la vie. Mais la pièce explore ici la façon dont ils vont, les uns et les autres, pouvoir survivre à ces malheurs et les personnages sont ici plus normaux. Le théâtre ne naît plus de la folie, mais de la rencontre entre ces femmes et ces hommes, de l’humour et de l’étrangeté des liens qu’ils peuvent nouer. La mise en scène au cordeau de Stéphane Braunschweig restitue à merveille ce théâtre de mots et de jeu écrit comme une partition de musique, avec des reprises de thèmes qui instaure une rythmique où les thèmes circulent d’un personnage à l’autre, comme dans une pièce de Tchekhov.

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« I will survive » : rire nerveux et malaise garanti

Avec I Will Survive, Les Chiens de Navarre rappellent une vérité simple : quand la réalité devient trop absurde pour être racontée, il ne reste plus qu’à l’exagérer pour qu’elle redevienne audible. Jean-Christophe Meurisse l’a bien compris : l’outrance n’est pas une facilité, mais un outil — une loupe déformante pour mieux scruter les recoins les plus gênants de la société française. Et c’est justement parce qu’il observe si finement qu’il grossit si fort.

Une École de danse d’une troublante modernité à la Comédie-Française

Il arrive que le théâtre ressuscite des œuvres qu’on croyait promises à l’oubli. Avec "L’École de danse", Clément Hervieu-Léger réalise précisément cela : redonner souffle à une comédie que Goldoni retira de l’affiche après deux malheureuses représentations. Un naufrage originel, devenu aujourd’hui matière à renaissance.